vendredi 16 août 2013

Rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme

Lecture de vacances
 
André SAMITIER

Sa biographie


Instituteur à Gargenville (1959-70), Conseiller pédagogique en éducation physique (1970-90); Maire de Gargenville (depuis 1971), Membre (depuis 1979), Vice-président (1992-95) du Conseil général des Yvelines, proclamé le 19 juillet 2002 Député des Yvelines en remplacement de Pierre Bédier (nommé membre du gouvernement), apparenté au groupe de l'Union pour un mouvement populaire (UMP); Administrateur du Port autonome de Paris (depuis 1979), Vice-président du Parc naturel régional du Vexin français (depuis 1995).

Chevalier des Palmes académiques, Médaille d'argent de la Jeunesse et des Sports.

Né le 01/11/1935 à ROUBIA (AUDE)  Décédé le 11/09/2004

le 8 avril 2004

il signe la proposition de loi de M. Richard Dell’Agnola

tendant à rétablir la peine de mort

pour les auteurs d’actes de terrorisme

                 
N° 1521
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2004.
PROPOSITION DE LOI

tendant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
 
 
PRÉSENTÉE
par MM. Richard DELL’AGNOLA, Olivier DASSAULT, René ANDRÉ, Jean AUCLAIR, Patrick BEAUDOUIN, Marc BERNIER, Michel BOUVARD, Ghislain BRAY, Bernard BROCHAND, Bernard CARAYON, Antoine CARRÉ, Roland CHASSAIN, Charles COVA, Jean-Claude DECAGNY, Bernard DEPIERRE, Jean-Michel FERRAND, Jean-Michel FOURGOUS, Franck GILARD, Bruno GILLES, Georges GINESTA, François GUILLAUME, Joël HART, Denis JACQUAT, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Jacques KOSSOWSKI, Patrick LABAUNE, Jean-Christophe LAGARDE, Pierre LANG, Lionnel LUCA, Richard MALLIÉ, Alain MARLEIX, Franck MARLIN, Jean MARSAUDON, Jacques MASDEU-ARUS, Georges MOTHRON, Etienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Mmes Béatrice PAVY, Josette PONS, MM. Xavier DE ROUX, Francis SAINT-LÉGER,
André SAMITIER, Frédéric SOULIER, Guy TEISSIER, Léon VACHET et Christian VANNESTRE
Députés.
 
EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 11 mars 2004, deux ans et demi après l’attentat du World Trade Center aux Etats-Unis, l’Espagne a été, à son tour, frappée par le terrorisme. A travers elle, c’est l’Europe toute entière qui a été prise pour cible. Avec plus de 200 morts et 1 400 blessés, les attentats de Madrid sont parmi les plus meurtriers dans le monde depuis la fin des années 70.
Après New York aux Etats-Unis en 2001, Bali en Indonésie en 2002, Casablanca au Maroc en 2003, les pays occidentaux sont à nouveau confrontés au terrorisme. Depuis le début des années 80, les actes terroristes n’ont cessé de se multiplier partout dans le monde. La France a malheureusement payé un lourd tribut, avec la vague d’attentats à la bombe qui avait ensanglanté Paris en 1985, 1986 puis 1995 et 1996 dans le RER aux stations Saint-Michel et Port-Royal.
Aujourd’hui, la terreur est mondiale, organisée, fanatique. Le terrorisme utilise désormais les moyens les plus archaïques et les technologies les plus sophistiquées aux pires fins : il tue massivement et n’épargne aucun pays. Ces attaques meurtrières ne visent pas seulement des individus mais les valeurs fondamentales de nos Etats démocratiques et la première d’entre elles, la liberté. La menace, qui pèse sur eux, est permanente, globale et diffuse.
Face à cette forme nouvelle de « guerre » sans règles, ni frontières, les démocraties semblent souvent démunies et ne disposent pas toujours, des moyens de se défendre et d’agir. De fait, les politiques mises en place pour lutter contre le terrorisme se sont traduites par des mesures préventives qui ont montré leurs limites. Cette « faiblesse » des démocraties face au terrorisme alimente un sentiment d’impuissance qui bafoue la mémoire de milliers de morts, victimes du fanatisme de quelques-uns, et met en danger les valeurs qui sont les siennes.
Si certains terroristes « kamikazes » sont prêts à donner leur vie pour l’accomplissement de leur funeste dessein, les chefs de ces organisations terroristes restent, quant à eux, dans la clandestinité. Une fois arrêtés, que dire alors de ces terroristes condamnés à la prison à vie qui continuent à communiquer au grand jour depuis leur cellule avec leurs complices, à donner des interviews voire à publier leurs mémoires ? L’exemple récent du terroriste Carlos emprisonné en France en a donné une triste illustration. Que faire devant le risque, demain, de voir des attentats perpétrés pour obtenir la libération d’un chef terroriste incarcéré et devenu le porte-drapeau d’un mouvement extrémiste ?
Toutes les démocraties européennes ont aboli, au cours des dernières décennies, la peine de mort au nom des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. La France a également renoncé au châtiment suprême avec la loi du 9 octobre 1981. Cette évolution générale constitue une avancée pour l’homme qu’il n’est pas, aujourd’hui, question de remettre en cause. Pour autant, les pays occidentaux ne doivent pas céder devant le terrorisme. Ils doivent pouvoir lutter et condamner avec la plus grande fermeté ces actes barbares, en apportant une réponse forte et sans équivoque aux ennemis de la liberté. Rien ne doit les amener à composer avec cette forme ultime de violence qu’est le terrorisme.
Dans l’intérêt supérieur des Etats, la France, en lien étroit avec ses alliés européens, doit amplifier la lutte antiterroriste et afficher une fermeté exemplaire. C’est pourquoi, il importe qu’elle puisse disposer de cette peine d’exception qu’est la peine capitale, pour combattre le terrorisme, « crime majeur contre la démocratie », selon l’expression de Robert Badinter.
En temps de « guerre », car c’est le mot qu’il faut employer pour qualifier les attaques répétées et meurtrières dont les démocraties sont la cible, la défense des Etats et des peuples doit primer sur toute autre considération.
Sur le plan juridique, rien n’empêche aujourd’hui la France de rétablir la peine de mort que le Parlement avait abolie par la loi no 81-908 du 9 octobre 1981. Certes, notre pays a ratifié en février 1986 le protocole no 6 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui abolit la peine de mort en temps de paix, tout en autorisant d’ailleurs les Etats signataires de la Convention à maintenir ce châtiment « pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre ».
Mais, comme l’indique l’article 65 de cette Convention européenne, un Etat signataire peut, s’il le souhaite, après expiration d’un délai de cinq ans, dénoncer celui-ci. Le verrou juridique empêchant un rétablissement éventuel de la peine de mort est par conséquent caduc depuis le 1er mars 1991.
Il convient de préciser que, la France a signé, le 3 mai 2002, le protocole no 13 additionnel à ladite convention relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances, mais qu’elle ne l’a pas ratifié à ce jour.
Le texte, que nous avons l’honneur de vous soumettre, propose donc le rétablissement de la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme tels qu’ils sont définis au 1o de l’article 421-1 du code pénal.
 
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
L’article 1er de la loi no 81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, la peine de mort demeure applicable aux auteurs d’actes de terrorisme. »
 
Article 2
La présente loi entrera en vigueur dès qu’aura pris effet la dénonciation du protocole no 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales concernant l’abolition de la peine de mort.
 
Article 3
Après le premier alinéa de l’article 131-1 du code pénal est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 1o La peine de mort ; »
 
Article 4
Après le premier alinéa de l’article 421-3 du code pénal, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 1o Il est porté à la peine de mort ou à la réclusion criminelle à perpétuité lorsque l’infraction est punie de trente ans de réclusion criminelle à perpétuité ; »
 
Article 5
Un décret en Conseil d’Etat précisera les conditions d’application de la présente loi.
 

Droit de réponse de

Michel Tubiana
Président de la LDH

Paris, le 3 mai 2004

 

Lettre adressée à André SAMITIER et aux députés déjà cités ayant déposé une proposition de loi tendant à rétablir la peine de mort en matière de terrorisme

Mesdames et Messieurs,

Vous avez déposé sur le bureau de l’assemblée nationale une proposition de loi tendant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme.
Vous expliquez cela par la nécessité de défendre les états et les peuples, « en temps de guerre ».
Je ne m’attarderais pas sur les raccourcis auxquels vous avez recours et qui vous conduisent à classer l’Indonésie et le Maroc dans les pays « occidentaux » ou à mêler les attentats survenus depuis 2001 avec ceux commis en France entre 1986 et 1996.
Je ne m’attarderais pas plus sur l’incongruité juridique de cette proposition de loi qui aboutirait à dénoncer dans son ensemble la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme.
Au fond des choses, et ainsi que vous le relevez vous-mêmes, en ce domaine encore plus que dans les autres, la peine de mort n’a aucun effet dissuasif. Dès lors, ce que vous demandez, c’est l’application de la loi du talion et remplacer la justice par la vengeance.
La proposition de loi que vous avez déposée ne résoudra rien. Lutter contre le terrorisme, ce qui est le devoir de tout état démocratique, c’est non seulement mettre en œuvre les moyens policiers et judiciaires nécessaires et respectueux de l’état de droit, mais c’est aussi s’attaquer aux situations qui permettent à certains d’exploiter les injustices de ce monde.
En appliquant la peine de mort aux auteurs ou aux instigateurs d’actes de terrorisme, vous ne ferez que créer de nouveaux martyrs ce qui entraînera d’autres actes de violence.
Plus grave encore, vous ramènerez les démocraties au même mépris de la vie humaine que ceux que vous prétendez combattre.
Tout cela, vous ne l’ignorez pas et votre démarche n’a d’autres buts que d’attiser les peurs. Le comble de la démagogie est atteint lorsque vous croyez devoir vous prévaloir des propos de Robert Badinter dont vous savez pourtant l’opposition, en toutes circonstances, à l’application de la peine de mort.
Non seulement, nous nous opposerons à votre proposition de loi, mais nous demandons, dès aujourd’hui, au Premier ministre, de soumettre au Parlement la ratification du protocole N° 13 prohibant la peine de mort en toutes circonstances.
Je vous prie de croire, Mesdames et Messieurs les députés, en l’assurance de ma considération.

Inexistant à Mantes, André Samitier se couvre de ridicule à l’Assemblée

samedi 1er mai 2004 par (Francis)          
Depuis qu’il a remplacé Bédier à l’Assemblée nationale, le maire de Gargenville ne fait pas spécialement des étincelles. On ne sait pas s’il a prononcé là-bas une parole marquante, ou même s’il a simplement fait son boulot. Bédier le tient-il pour quantité négligeable ? En tout cas on ne le voit jamais à Mantes non plus. Voilà qu’il sort du néant pour cosigner le 8 avril, avec la crème de la droite (une cinquantaine de députés en tout), une proposition de loi « tendant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme ». Cette proposition prétend prolonger la loi sur l’abolition de la peine de mort, « une avancée pour l’Homme qu’il n’est pas, aujourd’hui, question de remettre en cause ». Dans leur « exposé des motifs », les amis de Samitier ont la perversité (ou la bêtise) de citer Badinter lui-même, qui a dit un jour que le terrorisme était « un crime majeur contre la démocratie ». Samitier et ses copains voudraient tout simplement « compléter » l’article 1er de la loi du 9 octobre 1981 par un alinéa : « Toutefois, la peine de mort demeure applicable aux auteurs d’actes de terrorisme ». La justification de tout cela, c’est que nous vivons « en temps de guerre ». Il est à craindre que ces « temps de guerre » ne nous préparent d’autres lois aussi progressistes...
 

Forum

  •  Inexistant à Mantes, André Samitier se couvre de ridicule à l’Assemblée 19 octobre 2006       

    Monsieur,
    pensez vous faire avancer l’Humanité en écrasant les gens de cette façon ? André Samitier s’est consacré à la politique presque toute sa vie... Ne pas juger les gens que l’on ne connait pas ... voilà quel devrait être votre principe n°1. Quant à moi je peux témoigner du travail quotidien que Mr Samitier a réaliser dans le cadre de sa fonction de député qui lui a beaucoup tenu à coeur.
    Aujourd’hui, je vous demande d’avoir un peu de respect pour ce qu’il a accomplit puisque son nom, malgré votre tentative de salir son image, restera présent dans baucoup d’esprit.
    Anne Louise
 
Article paru dans Le Journal de Décil - n°21 - octobre 2004 - ISSN 1763-1661

Décès du député André Samitier. Elections législatives partielles fin novembre

vendredi 1er octobre 2004 par Scriptniouz
La nouvelle est tombée mi-septembre, le député-maire André Samitier, est décédé des suites d’une maladie. Apparenté UMP, il avait été choisi par Pierre Bédier pour être son suppléant aux élections législatives de 2002. Nommé secrétaire d’Etat, Pierre Bédier lui avait cédé sa place à l’Assemblée Nationale en juillet 2002. Sa disparition va entraîner des élections municipales à Gargenville où il était maire, mais surtout des élections législatives partielles sur la 8e circonscription, c’est-à-dire dans le Mantois. Compte tenu du délai fixé pour assurer la succession d’un député, l’élection devrait avoir lieu fin novembre, probablement le dimanche 28 novembre 2004, vu que la Foire aux Oignons de Mantes-la-Jolie, initialement prévue à cette date, a été repoussée pour début décembre.
Pour le moment, rien ne filtre sur les candidats à la députation. A l’UMP, après le décès de Marc Schwob, qui va se lancer dans ces élections ? Samuel Boureille, le maire de Follainville-Dennemont et candidat malheureux desélections cantonales ? On voit mal Pierre Bédier se présenter à ces élections, compte tenu de ses mandats (maire de Mantes-la-Jolie et conseiller général des Yvelines) et de son prochain procès. Seul le FN devrait faire liste à part à droite. Dans le camp socialiste, trois candidats potentiels : Guillaume Quévarec, chef de file des socialistes mantais, renforcé par son score aux élections cantonales de ce printemps, mais encore méconnu sur l’ensemble de la circonscription, Annette Peulvast, maire de Mantes-la-Ville qui avait perdu son siège de député en 2001 face à Pierre Bédier et Françoise Descamp-Crosnier, maire de Rosny-sur-Seine et conseillère régionale. Il est peu probable de voir une liste de gauche plurielle compte tenu des relations actuelles entre les partis de gauche, notamment la rupture des Verts lors des élections sénatoriales. Ainsi, nous verrons vraisemblablement un candidat vert et un autre communiste.
 
 
 
La grande inconnue du scrutin sera la candidature ou non de Décil.
A vous de nous dire si une telle candidature serait opportune. Rendez-vous sur le site internet de 
  
Article paru dans Le Journal de Décil - n°18 - mai / juin 2004 - ISSN 1763-1661
 
 
avril 2004 : 47 députés demandent l’abolition de l’abolition de la peine de mort

 

article de la rubrique peine de mort > en France date de publication : mercredi 5 mai 2004


47 députés, dont 11 élus en PACA, ont signé une proposition de loi tendant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme.

 
Voici la liste des 47 députés signataires de la proposition de loi du 8 avril 2004 visant au rétablissement de la peine de mort. Vous remarquerez les onze de la région PACA (deux du département du Var).
Richard DELL’AGNOLA, Olivier DASSAULT, René ANDRÉ, Jean AUCLAIR, Patrick BEAUDOUIN, Marc BERNIER, Michel BOUVARD, Ghislain BRAY, Bernard BROCHAND (06), Bernard CARAYON, Antoine CARRÉ, Roland CHASSAIN (13), Charles COVA, Jean-Claude DECAGNY, Bernard DEPIERRE, Jean-Michel FERRAND (84), Jean-Michel FOURGOUS, Franck GILARD, Bruno GILLES (13), Georges GINESTA (83), François GUILLAUME, Joël HART, Denis JACQUAT, Maryse JOISSAINS-MASINI (13), Jacques KOSSOWSKI, Patrick LABAUNE, Jean-Christophe LAGARDE, Pierre LANG, Lionel LUCA (06), Richard MALLIÉ (13), Alain MARLEIX, Franck MARLIN, Jean MARSAUDON, Jacques MASDEU-ARUS, Georges MOTHRON, Etienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Béatrice PAVY, Josette PONS (83), Xavier DE ROUX, Francis SAINT-LÉGER, André SAMITIER, Frédéric SOULIER, Guy TEISSIER (13), Léon VACHET (13) et Christian VANNESTE.

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Un article de Var-Matin, paru le 4 mai 2004, signé L.R. :

Onze députés de PACA pour le rétablissement de la peine de mort

Quarante-sept parlementaires ont signé une proposition de loi visant à rétablir la peine capitale pour les terroristes dont les Varois Josette Pons et Georges Ginesta et les Azuréens, Bernard Brochand et Lionel Luca.
Sujet récurrent dans la société française, et qui traverse même à intervalles réguliers les bancs de l’hémicycle, le débat sur la peine de mort est revenu en scène ces derniers jours. Tout d’abord passée inaperçue, une proposition de loi signée par 47 députés appelle au " rétablissement de la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme ". Des textes similaires avaient déjà tenté de soulever une exception pour les crimes perpétrés contre des enfants et des agents de la force publique.
Fait singulier, sur les 47 signataires, 11 sont des élus UMP de la région PACA. "Il y a peut-être un particularisme local, celui d’être plus prêt du bon sens qu’un parisianisme de salon" assène Lionnel Luca, député des Alpes-Maritimes, signataire de la proposition de loi avec, entre autres, Bernard Brochand, les Varois Josette Pons et Georges Ginesta, les députés marseillais Guy Teisser, Bruno Gilles ou le maire d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains.
Aussi, sans ambages, le député des Alpes-Maritimes assume être, " par principe, favorable à la peine de mort pour tout assassinat délibéré. Donner la mort avec des règles ne me choque pas ". Il rappelle d’ailleurs " avoir été le dernier à en parler à l’assemblée, en 97, lorsque Mme Guigou présentait un texte sur la récidive sexuelle ".
Argument récurrent
De même, son confrère des Bouches-du-Rhône, Léon Vachet souhaite de " tout (son) creur le rétablissement de la peine de mort ", un peu plus de vingt ans après son abolition. " Ceux qui veulent faire bien dans le Landerneau auraieni sans doute notre position si on enlevait ou tuait leurs enfants " justifie-t-il, argument récurrent des partisans de la peine capitale. " Il est vrai que pour rentrer dans l’Europe, il faut avoir aboli, mais on peut produire une prise de conscience à partir de la France " ambitionne le député.
Josette Pons reconnaît un autre bémol, puisque " lorsqu’on met le doigt dans une exception, on peut en trouver d’autres ". Pour autant, la députée varoise a signé cette proposition de loi. " Par réaction après les attentats de Madrid " dit-elle, considérant qu’il peut s’agir " d’un moyen de lutter contre le terrorisme. En France, on ne punit plus le crime par le crime, mais il y a quand même un classement dans l’horreur ".

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Le Canard enchaîné du mercredi 5 mai 2004 :

Kamikaze-toi !

On avait cru le remarquer : les terroristes d’aujourd’hui ont une fâcheuse propension à jouer les kamikazes. A New York comme à Madrid, à Bali comme à Bagdad. La mort ? Ils adorent ! La peine de mort ? C’est leur truc. Les 47 députés UMP qui ont déposé, le 8 avril denier, une proposition de loi "tendant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme" ne lisent donc sans doute pas la presse. Ou alors ils s’ennuyaient, ce jour-là. Ou alors ils adorent déconner en bande. Menacer de la peine de mort un kamikaze : c’est très fin !
Certes, parmi ces députés, il y a Xavier de Roux, qui s’était déjà fait plaisir en proposant de baptiser le RPR du nom de RRRR : " Ça ferait donner un frisson. Pour résumer on dirait R4 ou 4R. " Un vrai marrant !
Il y a aussi Olivier Dassault, fils de l’avionneur, connu pour avoir composé " Viva Vulcania ", l’hymne volcanique proposé aux visiteurs du parc de Giscard. Un poète. Tous ces élus adorent se faire remarquer, en fait. Frédéric Soulier, député de Corrèze, s’est fait récemment flasher à 192 km/h sur l’autoroute. Joël Hart, maire UMP d’Abbeville, a expliqué ainsi son refus du mariage homo : " Je ne marie que des gens propres ! " Maryse Joissains-Masini, maire d’Aixen-Provence, a essayé d’équiper ses habitants de bracelets de sécurité pour qu’ils contactent la police municipale en cas d’agression. Le publicitaire Bernard Brochand, maire de Cannes, rêve de faire de sa ville un nouveau Miami, bourré de salles de jeux et de casinos. Jacques Myard s’est récemment opposé à la discrimination positive : " si on entre dans les quotas, je vais demander un quota pour les petits et les teigneux, je fais 1,60m."
Et puis il y a bien sûr la ribambelle de réacs dûment estampillés. Le confit en dévotion François Guillaume. Le député de Carpentras, Jean-Michel Ferrand, qui s’était montré prêt à copiner au conseil général avec le lepéniste Jacques Bompard. Bernard Carayon, le député-maire de Lavaur, qui s’était fait connaître par son refus de signer les attestations d’hébergement pour les étrangers. Que des amis de la matraque et des bonnes moeurs !
Il n’y a pas à dire : la peine de mort est en bonne compagnie.
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dessin de Philippe Carrese.

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Hubert Falco, dans le passé ...

- En octobre 1993, Hubert Falco, jeune député UDF, s’était montré au rétablissement de la peine capitale. Il figure parmi les 137 députés qui ont signé une proposition de loi déposée par Roland Nungesser (RPR, Val-de-Marne), en faveur du rétablissement de la peine de mort dans les cas de meurtre d’enfant, de récidive de crime de sang, d’assassinat " précédé de sévices ou de tortures " ou de meurtre commis sur agent de la force publique ou de l’administration pénitentiaire.
" Dans notre conscience d’hommes imprégnés de la pensée chrétienne et humaniste, nous sommes attachés, avant tout, au respect de la vie humaine " écrivaient ces députés. C’est encore l’imprégnation de " la pensée chrétienne et humaniste " qui les incitait à rechercher " un mode d’exécution moins anachronique et moins sanguinaire que la répugnante guillotine " et à évoquer des méthodes " chimiques, médicales ou autres ".
- Le 15 juin 2001, Hubert Falco fraîchement élu maire de Toulon, recevait à la mairie d’honneur deux officiels russes Anatoly PRISTAVKINE (président de la Commission des grâces publiques), et Robert TZIVILEV (chef de la Direction des grâces auprès du Président de la Fédération de Russie), accompagnés de militants de la section de Toulon de la LDH..
A cette occasion il devait déclarer qu’il était plutôt favorable ... au rétablissement de la peine de mort en France ... dans certains cas ...

discussion à l’Assemblée Nationale du projet de loi abolissant la peine de mort



article de la rubrique peine de mort > en France date de publication : samedi 30 août 2003



Source : Journal officiel - Débats parlementaires - Assemblée nationale - 1ère séance du jeudi 17 septembre 1981.


M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. le garde des sceaux [Robert Badinter]. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j’ai l’honneur au nom du Gouvernement de la République, de demander à l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort en France.
En cet instant, dont chacun d’entre vous mesure la portée qu’il revêt pour notre justice et pour nous, je veux d’abord remercier la commission des lois parce qu’elle a compris l’esprit du projet qui lui était présenté et, plus particulièrement son rapporteur, M. Edmond Forni, non seulement parce qu’il est un homme de coeur et de talent mais parce qu’il a lutté dans les années écoulées pour l’abolition. Au-delà de sa personne et comme lui, je tiens à remercier tous ceux, quelle que soit leur appartenance politique qui, au cours des années passées, notamment au sein des commissions des lois précédentes, ont également oeuvré pour que l’abolition soit décidée, avant même que n’intervienne le changement politique majeur que nous connaissons.
Cette communion d’esprit, cette communauté de pensée à travers les clivages politiques montrent bien que le débat qui est ouvert aujourd’hui devant vous est d’abord un débat de conscience et le choix auquel chacun d’entre vous procédera l’engagera personnellement.
Raymond Forni a eu raison de souligner qu’une longue marche s’achève aujourd’hui. Près de deux siècles se sont écoulés depuis que dans la première assemblée parlementaire qu’ait connue la France, Le Pelletier de Saint-Fargeau demandait l’abolition de la peine capitale. C’était en 1791.
Je regarde la marche de la France.
La France est grande, non seulement par sa puissance, mais au-delà de sa puissance, par l’éclat des idées, des causes, de la générosité qui l’ont emporté aux moments privilégiés de son histoire.
La France est grande parce qu’elle a été la première en Europe à abolir la torture malgré les esprits précautionneux qui, dans le pays, s’exclamaient à l’époque que, sans la torture, la justice française serait désarmée, que, sans la torture, les bons sujets seraient livrés aux scélérats.
La France a été parmi les premiers pays du monde à abolir l’esclavage, ce crime qui déshonore encore l’humanité.
Il se trouve que la France aura été, en dépit de tant d’efforts courageux l’un des derniers pays, presque le dernier - et je baisse la voix pour le dire - en Europe occidentale, dont elle a été si souvent le foyer et le pôle, à abolir la peine de mort.
Pourquoi ce retard ? Voilà la première question qui se pose à nous.
Ce n’est pas la faute du génie national. C’est de France, c’est de cette enceinte souvent, que se sont levées les plus grandes voix, celles qui ont résonné le plus haut et le plus loin dans la conscience humaine, celles qui ont soutenu, avec le plus d’éloquence la cause de l’abolition. Vous avez, fort justement, monsieur Forni, rappelé Hugo, j’y ajouterai, parmi les écrivains, Camus. Comment, dans cette enceinte, ne pas penser aussi à Gambetta, à Clemenceau et surtout au grand Jaurès ? Tous se sont levés. Tous ont soutenu la cause de l’abolition. Alors pourquoi le silence a-t-il persisté et pourquoi n’avons-nous pas aboli ?
Je ne pense pas non plus que ce soit à cause du tempérament national. Les Français ne sont certes pas plus répressifs, moins humains que les autres peuples. Je le sais par expérience. Juges et jurés français savent être aussi généreux que les autres. La réponse n’est donc pas là. Il faut la chercher ailleurs.
Pour ma part j’y vois une explication qui est d’ordre politique. Pourquoi ?
L’abolition, je l’ai dit, regroupe, depuis deux siècles, des femmes et des hommes de toutes les classes politiques et, bien au delà, de toutes les couches de la nation.
Mais si l’on considère l’histoire de notre pays, on remarquera que l’abolition, en tant que telle, a toujours été une des grandes causes de la gauche française. Quand je dis gauche, comprenez moi, j’entends forces de changement, forces de progrès, parfois forces de révolution, celles qui, en tout cas, font avancer l’histoire. (Applaudissements sur les bancs des socialistes, sur de nombreux bancs des communistes et sur quelques bancs de l’union pour la démocratie française.)
Examinez simplement ce qui est la vérité. Regardez-la.
J’ai rappelé 1791, la première Constituante, la grande Constituante. Certes elle n’a pas aboli, mais elle a posé la question, audace prodigieuse en Europe à cette époque. Elle a réduit le champ de la peine de mort plus que partout ailleurs en Europe.
La première assemblée républicaine que la France ait connue, la grande Convention, le 4 brumaire an IV de la République, a proclamé que la peine de mort était abolie en France à dater de l’instant où la paix générale serait rétablie.
M. Albert Brochard. Ou sait ce que cela a coûté en Vendée !
Plusieurs députés socialistes. Silence les Chouans !
M. le garde des sceaux. La paix fut rétablie mais avec elle Bonaparte arriva. Et la peine de mort s’inscrivit dans le code pénal qui est encore le nôtre, plus pour longtemps, il est vrai.
Mais suivons les élans.
La Révolution de 1830 a engendré, en 1832, la généralisation des circonstances atténuantes ; le nombre des condamnations à mort diminue aussitôt de moitié.
La Révolution de 1848 entraîna l’abolition de la peine de mort en matière politique que la France ne remettra plus en cause jusqu’à la guerre de 1939.
Il faudra attendre ensuite qu’une majorité de gauche soit établie au centre de la vie politique française, dans les années qui suivent 1900, pour que soit à nouveau soumise aux représentants du peuple la question de l’abolition. C’est alors qu’ici même s’affrontèrent dans un débat dont l’histoire de l’éloquence conserve pieusement le souvenir vivant, et Barrès et Jaurès.
Jaurès - que je salue en votre nom à tous - a été, de tous les orateurs de la gauche, de tous les socialistes, celui qui a mené le plus haut, le plus loin, le plus noblement l’éloquence du coeur et l’éloquence de la raison, celui qui a servi, comme personne, le socialisme, la liberté et l’abolition. (Applaudissements sur les bancs des socialistes et sur plusieurs bancs des communistes.)
Jaurès... (Interruptions sur les bancs de l’union de la démocratie française et du rassemblement pour la République.)
Il y a des noms qui gênent encore certains d’entre vous ? (Applaudissements sur les bancs des socialistes et des communistes.)
M. Michel Noir. Provocateur !
M. Jean Brocard. Vous n’êtes pas à la cour, mais à l’Assemblée !
M. le président. Messieurs de l’opposition. je vous en prie. Jaurès appartient, au même titre que d’autres hommes politiques, à l’histoire de notre pays. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
M. Roger Corrèze. Mais pas Badinter !
M. Robert Wagner. Il vous manque des manches, monsieur le garde des sceaux !
M. le président. Veuillez continuer, monsieur le garde des sceaux.
M.le garde des sceaux. Messieurs, j’ai salué Barrés en dépit de l’éloignement de nos conceptions sur ce point ; je n’ai pas besoin d’insister. Mais je dois rappeler, puisque, à l’évidence, sa parole n’est pas éteinte en vous, la phrase que prononça Jaurès : "La peine de mort est contraire à ce que l’humanité depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêve de plus noble. Elle est contraire à la fois à l’esprit du christianisme et à l’esprit de la Révolution."
En 1908, Briand, à son tour, entreprit de demander à la Chambre l’abolition. Curieusement, il ne le fit pas en usant de son éloquence. Il s’efforça de convaincre en représentant à la Chambre une donnée très simple, que l’expérience récente - de l’école positiviste - venait de mettre en lumière.
Il fit observer en effet que par suite du tempérament divers des Présidents de la République, qui se sont succédé à cette époque de grande stabilité sociale et économique, la pratique de la peine de mort avait singulièrement évolué pendant deux fois dix ans : 1888-1897, les Présidents faisaient exécuter ; 1898-1907, les Présidents - Loubet, Fallières - abhorraient la peine de mort et, par conséquent, accordaient systématiquement la grâce. Les données étaient claires : dans la première période où l’on pratique l’exécution : 3 066 homicides ; dans la seconde période, où la douceur des hommes fait qu’ils y répugnent et que la peine de mort disparaît de la pratique répressive : 1 068 homicides, près de la moitié.
Telle est la raison pour laquelle Briand, au-delà même des principes, vint demander à la Chambre d’abolir la peine de mort qui, la France venait ainsi de le mesurer, n’était pas dissuasive.
Il se trouva qu’une partie de la presse entreprit aussitôt une campagne très violente contre les abolitionnistes. Il se trouva qu’une partie de la Chambre n’eut point le courage d’aller vers les sommets que lui montrait Briand. C’est ainsi que la peine de mort demeura en 1908 dans notre droit et dans notre pratique.
Depuis lors - soixante-quinze ans - jamais, une assemblée parlementaire n’a été saisie d’une demande de suppression de la peine de mort.
Je suis convaincu - cela vous fera plaisir - d’avoir certes moins d’éloquence que Briand mais je suis sûr que, vous, vous aurez plus de courage et c’est cela qui compte.
M. Albert Brochard. Si c’est cela le courage !
M. Robert Aumont. Cette interruption est malvenue !
M. Roger Corrèze. Il y a eu aussi des gouvernements de gauche pendant tout ce temps !
M. le garde des sceaux. Les temps passèrent.
On peut s’interroger : pourquoi n’y a-t-il rien eu en 1936 ? La raison est que le temps de la gauche fut compté. L’autre raison, plus simple, est que la guerre pesait déjà sur les esprits. Or, les temps de guerre ne sont pas propices à poser la question de l’abolition. Il est vrai que la guerre et l’abolition ne cheminent pas ensemble.
La Libération. Je suis convaincu, pour ma part, que, si le gouvernement de la Libération n’a pas posé la question de l’abolition, c’est parce que les temps troublés, les crimes de la guerre, les épreuves terribles de l’occupation faisaient que les sensibilités n’étaient pas à cet égard prêtes. Il fallait que reviennent non seulement la paix des armes mais aussi la paix des coeurs.
Cette analyse vaut aussi pour les temps de la décolonisation.
C’est seulement après ces épreuves historiques qu’en vérité pouvait être soumise à votre assemblée la grande question de l’abolition.
Je n’irai pas plus loin dans l’interrogation - M. Forni l’a fait - mais pourquoi, au cours de la dernière législature, les gouvernements n’ont-ils pas voulu que votre assemblée soit saisie de l’abolition alors que la commission des lois et tant d’entre vous, avec courage, réclamaient ce débat ? Certains membres du gouvernement - et non des moindres - s’étaient déclarés, a titre personnel, partisans de l’abolition mais on avait le sentiment à entendre ceux qui avaient la responsabilité de la proposer, que, dans ce domaine, il était, là encore, urgent d’attendre.
Attendre, après deux cents ans !
Attendre, comme si la peine de mort ou la guillotine était un fruit qu’on devrait laisser mûrir avant de le cueillir !
Attendre ? Nous savons bien en vérité que la cause était la crainte de l’opinion publique. D’ailleurs, certains vous diront, mesdames, messieurs les députés, qu’en votant l’abolition vous méconnaîtriez les règles de la démocratie parce que vous ignoreriez l’opinion publique. Il n’en est rien.
Nul plus que vous, à l’instant du vote sur l’abolition, ne respectera la loi fondamentale de la démocratie.
Je me réfère non pas seulement à cette conception selon laquelle le Parlement est, suivant l’image employée par un grand Anglais, un phare qui ouvre la voie de l’ombre pour le pays, mais simplement à la loi fondamentale de la démocratie qui est la volonté du suffrage universel et, pour les élus, le respect du suffrage universel.
Or, à deux reprises, la question a été directement - j’y insiste - posée devant l’opinion publique.
Le Président de la République a fait connaître à tous, non seulement son sentiment personnel, son aversion pour la peine de mort, mais aussi, très clairement, sa volonté de demander_ au Gouvernement de saisir le Parlement d’une demande d’abolition, s’il était élu. Le pays lui a répondu : oui.
Il y a eu ensuite des élections législatives. Au cours de la campagne électorale. il n’est pas un des partis de gauche qui n’ait fait figurer publiquement dans son programme...
M. Albert Brochard. Quel programme ?
M. le garde des sceaux. ... l’abolition de la peine de mort.
Le pays a élu une majorité de gauche ; ce faisant, en connaissance de cause, il savait qu’il approuvait un programme législatif dans lequel se trouvait inscrite, au premier rang des obligations morales, l’abolition de la peine de mort.
Lorsque vous la voterez, c’est ce pacte solennel, celui qui lie l’élu au pays, celui qui fait que son premier devoir d’élu est le respect de l’engagement pris avec ceux qui l’ont choisi, cette démarche de respect du suffrage universel et de la démocratie qui sera la vôtre.
D’autres vous diront que l’abolition, parce qu’elle pose question à toute conscience humaine, ne devrait être décidée que par la voie de référendum. Si l’alternative existait, la question mériterait sans doute examen. Mais, vous le savez aussi bien que moi et Raymond Forni l’a rappelé, cette voie est constitutionnellement fermée.
Je rappelle à l’Assemblée - mais en vérité ai-je besoin de le faire ? - que le général de Gaulle, fondateur de la Vème République, n’a pas voulu que les questions de société ou, si l’on préfère, les questions de morale soient tranchées par la procédure référendaire. Je n’ai pas besoin non plus de vous rappeler, mesdames, messieurs les députés, que la sanction pénale de l’avortement aussi bien que de la peine de mort se trouvent inscrites dans les lois pénales qui, aux termes de la Constitution, relèvent de votre seul pouvoir.
Par conséquent, prétendre s’en rapporter à un référendum, ne vouloir répondre que par un référendum, c’est méconnaître délibérément à la fois l’esprit et la lettre de la Constitution et c’est, par une fausse habileté, refuser de se prononcer publiquement par peur de l’opinion publique. (Applaudissements sur les bancs des socialistes et sur quelques bancs des communistes.)
Rien n’a été fait pendant les années écoulées pour éclairer cette opinion publique. Au contraire ! On a refusé l’expérience des pays abolitionnistes ; on ne s’est jamais interrogé sur le fait essentiel que les grandes démocraties occidentales, nos proches, nos soeurs, nos voisines, pouvaient vivre sans la peine de mort. On a négligé les études conduites par toutes les grandes organisations internationales, tels le Conseil de l’Europe, le Parlement européen, les Nations unies elles-mêmes dans le cadre du comité d’études contre le crime. On a occulté leurs constantes conclusions. Il n’a jamais, jamais été établi une corrélation quelconque entre la présence ou l’absence de la peine de mort dans une législation pénale et la courbe de la criminalité sanglante. On a, par contre, au lieu de révéler et de souligner ces évidences, entretenu l’angoisse, stimulé la peur, favorisé la confusion. On a bloqué le phare sur l’accroissement indiscutable, douloureux, et auquel il faudra faire face, mais qui est lié à des conjonctures économiques et sociales, de la petite et moyenne délinquance de violence, celle qui, de toute façon, n’a jamais relevé de la peine de mort. Mais tous les esprits loyaux s’accordent sur le fait qu’en France la criminalité sanglante n’a jamais varié - et même, compte tenu du nombre d’habitants, tend plutôt à stagner ; on s’est tu. En un mot, s’agissant de l’opinion, parce qu’on pensait aux suffrages, on a attisé l’angoisse collective et on a refusé à l’opinion publique les défenses de la raison. (Applaudissements sur les bancs des socialistes et sur quelques bancs des communistes.)
En vérité, la question de la peine de mort est simple pour qui veut l’analyser avec lucidité. Elle ne se pose pas en termes de dissuasion, ni même de technique répressive, mais en termes de choix politique ou de choix moral.
Je l’ai déjà dit, mais je le répète volontiers au regard du grand silence antérieur : le seul résultat auquel ont conduit toutes les recherches menées par les criminologues est la constatation de l’absence de lien entre la peine de mort et l’évolution de la criminalité sanglante. Je rappelle encore à cet égard les travaux du Conseil de l’Europe de 1962 ; le Livre blanc anglais, prudente recherche menée à travers tous les pays abolitionnistes avant que les Anglais ne se décident à abolir la peine de mort et ne refusent depuis lors, par deux fois, de la rétablir ; le Livre blanc canadien, qui a procédé selon la même méthode ; les travaux conduits par le comité pour la prévention du crime créé par l’O.N.U., dont les derniers textes ont été élaborés l’année dernière à Caracas ; enfin, les travaux conduits par le Parlement européen, auxquels j’associe notre amie Mme Roudy, et qui ont abouti à ce vote essentiel par lequel cette assemblée, au nom de l’Europe qu’elle représente, de l’Europe occidentale bien sûr, s’est prononcée à une écrasante majorité pour que la peine de mort disparaisse de l’Europe. Tous, tous se rejoignent sur la conclusion que j’évoquais.
Il n’est pas difficile d’ailleurs, pour qui veut s’interroger loyalement, de comprendre pourquoi il n’y a pas entre la peine de mort et l’évolution de la criminalité sanglante ce rapport dissuasif que l’on s’est si souvent appliqué à chercher sans trouver sa source ailleurs, et j’y reviendrai dans un instant. Si vous y réfléchissez simplement, les crimes les plus terribles, ceux qui saisissent le plus la sensibilité publique - et on le comprend - ceux qu’on appelle les crimes atroces sont commis le plus souvent par des hommes emportés par une pulsion de violence et de mort qui abolit jusqu’aux défenses de la raison. A cet instant de folie, à cet instant de passion meurtrière, l’évocation de la peine, qu’elle soit de mort ou qu’elle soit perpétuelle, ne trouve pas sa place chez l’homme qui tue.
Qu’on ne me dise pas que, ceux-là, on ne les condamne pas à mort. Il suffirait de reprendre les annales des dernières années pour se convaincre du contraire. Olivier, exécuté, dont l’autopsie a révélé que son cerveau présentait des anomalies frontales. Et Carrein, et Rousseau, et Garceau.
Quant aux autres, les criminels dits de sang-froid, ceux qui pèsent les risques, ceux qui méditent le profit et la peine, ceux-là, jamais vous ne les retrouverez dans des situations où ils risquent l’échafaud. Truands raisonnables, profiteurs du crime, criminels organisés, proxénètes, trafiquants, maffiosi, jamais vous ne les trouverez dans ces situations-là. Jamais ! (Applaudissements sur les bancs des socialistes et des communistes.)
Ceux qui interrogent les annales judiciaires, car c’est là où s’inscrit dans sa réalité la peine de mort, savent que dans les trente dernières années vous n’y trouvez pas le nom d’un "grand" gangster, Si l’on peut utiliser cet adjectif en parlant de ce type d’hommes. Pas un seul "ennemi public" n’y a jamais figuré.
M. Jean Brocard. Et Mesrine ?
M. Hyacinthe Santoni. Et Buffet ? Et Bontems ?
M. le garde des sceaux. Ce sont les autres, ceux que j’évoquais précédemment qui peuplent ces annales.
En fait, ceux qui croient à la valeur dissuasive de la peine de mort méconnaissent la vérité humaine. La passion criminelle n’est pas plus arrêtée par la peur de la mort que d’autres passions ne le sont qui, celles-là, sont nobles.
Et si la peur de la mort arrêtait les hommes, vous n’auriez ni grands soldats, ni grands sportifs. Nous les admirons, mais ils n’hésitent pas devant la mort. D’autres, emportés par d’autres passions, n’hésitent pas non plus. C’est seulement pour la peine de mort qu’on invente l’idée que la peur de la mort retient l’homme dans ses passions extrêmes. Ce n’est pas exact.
Et, puisqu’on vient de prononcer le nom de deux condamnés à mort qui ont été exécutés, je vous dirai pourquoi, plus qu’aucun autre, je puis affirmer qu’il n’y a pas dans la peine de mort de valeur dissuasive : sachez bien que, dans la foule qui, autour du palais de justice de Troyes, criait au passage de Buffet et de Bontems : "A mort Buffet ! A mort Bontems !" se trouvait un jeune homme qui s’appelait Patrick Henry. Croyez-moi, à ma stupéfaction, quand je l’ai appris, j’ai compris ce que pouvais signifier, ce jour-là, la valeur dissuasive de la peine de mort ! (Applaudissements sur les bancs des socialistes et des communistes.)
M. Pierre Micaux. Allez l’expliquer à Troyes !
M. le garde des sceaux. Et pour vous qui êtes hommes d’Etat, conscients de vos responsabilités, croyez-vous que les hommes d’Etat, nos amis, qui dirigent le sort et qui ont la responsabilité des grandes démocraties occidentales, aussi exigeante que soit en eux la passion des valeurs morales qui sont celles des pays de liberté, croyez-vous que ces hommes responsables auraient voté l’abolition ou n’auraient pas rétabli la peine capitale s’ils avaient pensé que celle-ci pouvait être de quelque utilité par sa valeur dissuasive contre la criminalité sanglante ? Ce serait leur faire injure que de le penser.
M. Albert Brochard. Et en Californie ? Reagan est sans doute un rigolo !
M. le garde des sceaux. Nous lui transmettrons le propos. Je suis sûr qu’il appréciera l’épithète !
Il suffit, en tout cas, de vous interroger très concrètement et de prendre la mesure de ce qu’aurait signifié exactement l’abolition si elle avait été votée en France en 1974, quand le précédent Président de la République confessait volontiers, mais généralement en privé, son aversion personnelle pour la peine de mort.
L’abolition votée an 1974, pour le septennat qui s’est achevé en 1981, qu’aurait-elle signifié pour la sûreté et la sécurité des Français ? Simplement ceci : trois condamnés à mort, qui se seraient ajoutés au 333 qui se trouvent actuellement dans nos établissements pénitentiaires. Trois de plus.
Lesquels ? Je vous les rappelle. Christian Ranucci : je n’aurais garde d’insister, il y a trop d’interrogations qui se lèvent à se sujet, et ces seules interrogations suffisent, pour toute conscience éprise de justice, à condamner la peine de mort. Jérôme Carrein : débile, ivrogne, qui a commis un crime atroce. mais qui avait pris par la main devant tout le village la petite fille qu’il allait tuer quelques instants plus tard, montrant par là même qu’il ignorait la force qui allait l’emporter. (Murmures sur plusieurs bancs du rassemblement pour la République et de l’union pour la démocratie française.) Enfin, Djandoubi, qui était unijambiste et qui, quelle que soit l’horreur - et le terme n’est pas trop fort - de ses crimes, présentait tous les signes d’un déséquilibre et qu’on a emporté sur l’échafaud après lui avoir enlevé sa prothèse.
Loin de moi l’idée d’en appeler à une pitié posthume : ce n’est ni le lieu ni le moment, mais ayez simplement présent à votre esprit que l’on s’interroge encore à propos de l’innocence du premier, que le deuxième était un débile et le troisième un unijambiste.
Peut-on prétendre que si ces trois hommes se trouvaient dans les prisons françaises la sécurité de nos concitoyens se trouverait de quelque façon compromise ?
M. Albert Brochard. Ce n’est pas croyable ! Nous ne sommes pas au prétoire !
M. le garde des sceaux. C’est cela la vérité et la mesure exacte de la peine de mort. C’est simplement cela. (Applaudissements prolongés sur les bancs des socialistes et les communistes.)
M. Jean Brocard. Je quitte les assises
M. le président. C’est votre droit !
M. Albert Brochard. Vous êtes garde des sceaux et non avocat !
M. le garde des sceaux. Et cette réalité...
M. Roger Corrèze. Votre réalité !
M. le garde des sceaux. ... semble faire fuir
La question ne se pose pas, et nous le savons tous, en termes de dissuasion ou de technique répressive, mais en termes politiques et surtout de choix moral.
Que la peine de mort ait une signification politique, il suffirait de regarder la carte du monde pour le constater. Je regrette qu’on ne puisse pas présenter une telle carte à l’Assemblée comme cela fut fait au Parlement européen. On y verrait les pays abolitionnistes et les autres, les pays de liberté et les autres.
M. Charles Miossec. Quel amalgame !
M. le garde des sceaux. Les choses sont claires. Dans la majorité écrasante des démocraties occidentales, en Europe particulièrement, dans tous les pays où la liberté est inscrite dans les institutions et respectée dans la pratique, la peine de mort a disparu.
M. Claude Marcus. Pas aux Etats-Unis.
M. le garde des sceaux. J’ai dit en Europe occidentale, mais il est significatif que vous ajoutiez les Etats-Unis. Le calque est presque complet. Dans les pays de liberté, la loi commune est l’abolition, c’est la peine de mort qui est l’exception.
M. Roger Corrèze. Pas dans les pays socialistes.
M. le garde des sceaux. Je ne vous le fais pas dire. Partout, dans le monde, et sans aucune exception, où triomphent la dictature et le mépris des droits de l’homme, partout vous y trouvez inscrite, en caractères sanglants, la peine de mort. (Applaudissements sur les bancs des socialistes.)
M. Roger Corrèze. Les communistes en ont pris acte !
M. Gérard Chasseguet. Les communistes ont apprécié.
M. le garde des sceaux. Voici la première évidence : dans les pays de liberté l’abolition est presque partout la règle ; dans les pays où règne la dictature, la peine de mort est partout pratiquée.
Ce partage du monde ne résulte pas d’une simple coïncidence, mais exprime une corrélation. La vraie signification politique de la peine de mort, c’est bien qu’elle procède de l’idée que l’Etat a le droit de disposer du citoyen jusqu’à lui retirer la vie. C’est par là que la peine de mort s’inscrit dans les systèmes totalitaires.
C’est par là même que vous retrouvez, dans la réalité judiciaire, et jusque dans celle qu’évoquait Raymond Forni, la vraie signification de la peine de mort. Dans la réalité judiciaire, qu’est-ce que la peine de mort ? Ce sont douze hommes et femmes, deux jours d’audience, l’impossibilité d’aller jusqu’au fond des choses et le droit, ou le devoir, terrible, de trancher, en quelques quarts d’heure, parfois quelques minutes, le problème si difficile de la culpabilité, et, au-delà, de décider de la vie ou de la mort d’un autre être. Douze personnes, dans une démocratie, qui ont le droit de dire : celui-là doit vivre, celui-là doit mourir ! Je le dis : cette conception de la justice ne peut être celle des pays de liberté, précisément pour ce qu’elle comporte de signification totalitaire.
Quant au droit de grâce, il convient, comme Raymond Forni l’a rappelé, de s’interroger à son sujet. Lorsque le roi représentait Dieu sur la terre, qu’il était oint par la volonté divine, le droit de grâce avait un fondement légitime. Dans une civilisation, dans une société dont les institutions sont imprégnées par la foi religieuse, on comprend aisément que le représentant de Dieu ait pu disposer du droit de vie ou de mort. Mais dans une république, dans une démocratie, quels que soient ses mérites, quelle que soit sa conscience, aucun homme, aucun pouvoir ne saurait disposer d’un tel droit sur quiconque en temps de paix.
M. Jean Falala. Sauf les assassins !
M. le garde des sceaux. Je sais qu’aujourd’hui et c’est là un problème majeur - certains voient dans la peine de mort une sorte de recours ultime, une forme de défense extrême de la démocratie contre la menace grave que constitue le terrorisme. La guillotine, pensent-ils, protégerait éventuellement la démocratie au lieu de la déshonorer.
Cet argument procède d’une méconnaissance complète de la réalité. En effet l’Histoire montre que s’il est un type de crime qui n’a jamais reculé devant la menace de mort, c’est le crime politique. Et, plus spécifiquement, s’il est un type de femme ou d’homme que la menace de la mort ne saurait faire reculer, c’est bien le terroriste. D’abord, parce qu’il l’affronte au cours de l’action violente ; ensuite parce qu’au fond de lui, il éprouve cette trouble fascination de la violence et de la mort, celle qu’on donne, mais aussi celle qu’on reçoit. Le terrorisme qui, pour moi, est un crime majeur contre la démocratie, et qui, s’il devait se lever dans ce pays, serait réprimé et poursuivi avec toute la fermeté requise, a pour cri de ralliement, quelle que soit l’idéologie qui l’anime. le terrible cri des fascistes de la guerre d’Espagne : "Viva la muerte !", "Vive la mort !" Alors, croire qu’on l’arrêtera avec la mort, c’est illusion.
Allons plus loin. Si, dans les démocraties voisines, pourtant en proie au terrorisme, on se refuse à rétablir la peine de mort, c’est, bien sûr, par exigence morale, mais aussi par raison politique. Vous savez en effet, qu’aux yeux de certains et surtout des jeunes, l’exécution du terroriste le transcende, le dépouille de ce qu’a été la réalité criminelle de ses actions, en fait une sorte de héros qui aurait été jusqu’au bout de sa course, qui, s’étant engagé au service d’une cause, aussi odieuse soit-elle, l’aurait servie jusqu’à la mort. Dès lors, apparaît le risque considérable, que précisément les hommes d’Etat des démocraties amies ont pesé, de voir se lever dans l’ombre, pour un terroriste exécuté, vingt jeunes gens égarés. Ainsi, loin de le combattre, la peine de mort nourrirait le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs des socialistes et sur quelques bancs des communistes.)
A cette considération de fait, il faut ajouter une donnée morale : utiliser contre les terroristes la peine de mort, c’est, pour une démocratie, faire siennes- les valeurs de ces derniers. Quand, après l’avoir arrêté, après lui avoir extorqué des correspondances terribles, les terroristes, au terme d’une parodie dégradante de justice, exécutent celui qu’ils ont enlevé, non seulement ils commettent un crime odieux, mais ils tendent à la démocratie le piège le plus insidieux, celui d’une violence meurtrière qui, en forçant cette démocratie à recourir à la peine de mort, pourrait leur permettre de lui donner, par une sorte d’inversion des valeurs, le visage sanglant qui est le leur.
Cette tentation, il faut la refuser, sans jamais, pour autant, composer avec cette forme ultime de la violence, intolérable dans une démocratie, qu’est le terrorisme.
Mais lorsqu’on a dépouillé le problème de son aspect passionnel et qu’on veut aller jusqu’au bout de la lucidité, on constate que le choix entre le maintien et l’abolition de la peine de mort, c’est, en définitive, pour une société et pour chacun d’entre nous, un choix moral.
Je ne ferai pas usage de l’argument d’autorité, car ce serait malvenu au Parlement, et trop facile dans cette enceinte. Mais on ne peut pas ne pas relever que, dans les dernières années, se sont prononcés hautement contre la peine de mort, l’église catholique de France, le conseil de l’église réformée et le rabbinat. Comment ne pas souligner que toutes les grandes associations internationales qui militent de par le monde pour la défense des libertés et des droits de l’homme - Amnesty international, l’Association internationale des droits de l’homme, la Ligue des droits de l’homme - ont fait campagne pour que vienne l’abolition de la peine de mort.
M. Albert Brochard. Sauf les familles des victimes (Murmures prolongés sur les bancs des socialistes.)
M. le garde des sceaux. Cette conjonction de tant de consciences religieuses ou laïques, hommes de Dieu et hommes de libertés, à une époque où l’on parle sans cesse de crise des valeurs morales, est significative.
M. Pierre-Charles Krieg. Et 33 p. 100 des Français !
M. le garde des sceaux. Pour les partisans de la peine de mort, dont les abolitionnistes et moi-même avons toujours respecté le choix en notant à regret que la réciproque n’a pas toujours été vraie, la haine répondant souvent à ce qui n’était que l’expression d’une conviction profonde, celle que je respecterai toujours chez les hommes de liberté, pour les partisans de la peine de mort, disais-je, la mort du coupable est une exigence de justice. Pour eux, il est en effet des crimes trop atroces pour que leurs auteurs puissent les expier autrement qu’au prix de leur vie.
La mort et la souffrance des victimes, ce terrible malheur, exigeraient comme contrepartie nécessaire, impérative, une autre mort et une autre souffrance. A défaut, déclarait un ministre de la justice récent, l’angoisse et la passion suscitées dans la société par le crime ne seraient pas apaisées. Cela s’appelle, je crois, un sacrifice expiatoire. Et justice, pour les partisans de la peine de mort, ne serait pas faite si à la mort de la victime ne répondait pas, en écho, la mort du coupable.
Soyons clairs. Cela signifie simplement que la loi du talion demeurerait, à travers les millénaires, la loi nécessaire, unique de la justice humaine.
Du malheur et de la souffrance des victimes, j’ai, beaucoup plus que ceux qui s’en réclament, souvent mesuré dans ma vie l’étendue. Que le crime soit le point de rencontre, le lieu géométrique du malheur humain, je le sais mieux que personne. Malheur de la victime elle-même et, au-delà, malheur de ses parents et de ses proches. Malheur aussi des parents du criminel. Malheur enfin, bien souvent, de l’assassin. Oui, le crime est malheur, et il n’y a pas un homme, pas une femme de coeur, de raison, de responsabilité, qui ne souhaite d’abord le combattre.
Mais ressentir, au profond de soi-même, le malheur et la douleur des victimes, mais lutter de toutes les manières pour que la violence et le crime reculent dans notre société, cette sensibilité et ce combat ne sauraient impliquer la nécessaire mise à mort du coupable. Que les parents et les proches de la victime souhaitent cette mort, par réaction naturelle de l’être humain blessé, je le comprends, je le conçois. Mais c’est une réaction humaine, naturelle. Or tout le progrès historique de la justice a été de dépasser la vengeance privée. Et comment la dépasser, sinon d’abord en refusant la loi du talion ?
La vérité est que, au plus profond des motivations de l’attachement à la peine de mort, on trouve, inavouée le plus souvent, la tentation de l’élimination. Ce qui paraît insupportable à beaucoup, c’est moins la vie du criminel emprisonné que la peur qu’il récidive un jour. Et ils pensent que la seule garantie, à cet égard, est que le criminel soit mis à mort par précaution.
Ainsi, dans cette conception, la justice tuerait moins par vengeance que par prudence. Au-delà de la justice d’expiation, apparaît donc la justice d’élimination, derrière la balance, la guillotine. L’assassin doit mourir toute simplement parce que, ainsi, il ne récidivera pas. Et tout paraît si simple, et tout paraît si juste !
Mais quand on accepte ou quand on prône la justice d’élimination, au nom de la justice, il faut bien savoir dans quelle voie on s’engage. Pour être acceptable, même pour ses partisans, la justice qui tue le criminel doit tuer en connaissance de cause. Notre justice, et c’est son honneur, ne tue pas les déments. Mais elle ne sait pas les identifier à coup sûr, et c’est à l’expertise psychiatrique, la plus aléatoire, la plus incertaine de toutes, que, dans la réalité judiciaire, on va s’en remettre. Que le verdict psychiatrique soit favorable à l’assassin, et il sera épargné. La société acceptera d’assumer le risque qu’il représente sans que quiconque s’en indigne. Mais que le verdict psychiatrique lui soit défavorable, et il sera exécuté. Quand on accepte la justice d’élimination, il faut que les responsables politiques mesurent dans quelle logique de l’Histoire on s’inscrit.
Je ne parle pas de sociétés où l’on élimine aussi bien les criminels que les déments, les opposants politiques que ceux dont on pense qu’ils seraient de nature à "polluer" le corps social. Non, je m’en tiens à la justice des pays qui vivent en démocratie.
Enfoui, terré, au coeur même de la justice d’élimination, veille le racisme secret. Si, en 1972, la Cour suprême des Etats-Unis a penché vers l’abolition, c’est essentiellement parce qu’elle avait constaté que 60 p. 100 des condamnés à mort étaient des noirs, alors qu’ils ne représentaient que 12 p. 100 de la population. Et pour un homme de justice, quel vertige ! je baisse la voix et je me tourne vers vous tous pour rappeler qu’en France même, sur trente-six condamnations à mort définitives prononcées depuis 1945, on compte neuf étrangers, soit 25 p. 100, alors qu’ils ne représentent que 8 p. 100 de la population ; parmi eux cinq Maghrébins, alors qu’ils ne représentent que 2 p. 100 de la population. Depuis 1965, parmi les neuf condamnés à mort exécutés, on compte quatre étrangers, dont trois Maghrébins. Leurs crimes étaient-ils plus odieux que les autres ou bien paraissaient-ils plus graves parce que leurs auteurs, à cet instant, faisaient secrètement horreur ? C’est une interrogation, ce n’est qu’une interrogation, mais elle est si pressante et si lancinante que seule l’abolition peut mettre fin à une interrogation qui nous interpelle avec tant de cruauté.
Il s’agit bien, en définitive, dans l’abolition, d’un choix fondamental, d’une certaine conception de l’homme et de la justice. Ceux qui veulent une justice qui tue, ceux-là sont animés par une double conviction : qu’il existe des hommes totalement coupables, c’est-à-dire des hommes totalement responsables de leurs actes, et qu’il peut y avoir une justice sûre de son infaillibilité au point de dire que celui-là peut vivre et que celui-là doit mourir.
A cet âge de ma vie, l’une et l’autre affirmations me paraissent également erronées. Aussi terribles, aussi odieux que soient leurs actes, il n’est point d’hommes en cette terre dont la culpabilité soit totale et dont il faille pour toujours désespérer totalement. Aussi prudente que soit la justice, aussi mesurés et angoissés que soient les femmes et les hommes qui jugent, la justice demeure humaine, donc faillible.
Et je ne parle pas seulement de l’erreur judiciaire absolue, quand, après une exécution, il se révèle, comme cela peut encore arriver, que le condamné à mort était innocent et qu’une société entière - c’est-à-dire nous tous - au nom de laquelle le verdict a été rendu, devient ainsi collectivement coupable puisque sa justice rend possible l’injustice suprême. Je parle aussi de l’incertitude et de la contradiction des décisions rendues qui font que les mêmes accusés, condamnés à mort une première fois, dont la condamnation est cassée pour vice de forme, sont de nouveau jugés et, bien qu’il s’agisse des mêmes faits, échappent, cette fois-ci, à la mort, comme si, en justice, la vie d’un homme se jouait au hasard d’une erreur de plume d’un greffier. Ou bien tels condamnés, pour des crimes moindres, seront exécutés, alors que d’autres. plus coupables, sauveront leur tête à la faveur de la passion de l’audience, du climat ou de l’emportement de tel ou tel.
Cette sorte de loterie judiciaire, quelle que soit la peine qu’on éprouve à prononcer ce mot quand il y va de la vie d’une femme ou d’un homme, est intolérable. Le plus haut magistrat de France, M. Aydalot, au terme d’une longue carrière tout entière consacrée à la justice et, pour la plupart de son activité, au parquet, disait qu’à la mesure de sa hasardeuse application, la peine de mort lui était devenue, à lui magistrat, insupportable. Parce qu’aucun homme n’est totalement responsable, parce qu’aucune justice ne peut être absolument infaillible, la peine de mort est moralement inacceptable. Pour ceux d’entre nous qui croient en Dieu, lui seul a le pouvoir de choisir l’heure de notre mort. Pour tous les abolitionnistes, il est impossible de reconnaître à la justice des hommes ce pouvoir de mort parce qu’ils savent qu’elle est faillible.
Le choix qui s’offre à vos consciences est donc clair : ou notre société refuse une justice qui tue et accepte d’assumer, au nom de ses valeurs fondamentales - celles qui l’ont faite grande et respectée entre toutes - la vie de ceux qui font horreur, déments ou criminels ou les deux à la fois, et c’est le choix de l’abolition ; ou cette société croit, en dépit de l’expérience des siècles, faire disparaître le crime avec le criminel, et c’est l’élimination.
Cette justice d’élimination, cette justice d’angoisse et de mort, décidée avec sa marge de hasard, nous la refusons. Nous la refusons parce qu’elle est pour nous l’anti-justice, parce qu’elle est la passion et la peur triomphant de la raison et de l’humanité.
J’en ai fini avec l’essentiel, avec l’esprit et l’inspiration de cette grande loi. Raymond Forni, tout à l’heure, en a dégagé les lignes directrices. Elles sont simples et précises.
Parce que l’abolition est un choix moral, il faut se prononcer en toute clarté. Le Gouvernement vous demande donc de voter l’abolition de la peine de mort sans l’assortir d’aucune restriction ni d’aucune réserve. Sans doute, des amendements seront déposés tendant à limiter le champ de l’abolition et à en exclure diverses catégories de crimes. Je comprends l’inspiration de ces amendements, mais le Gouvernement vous demandera de les rejeter.
D’abord parce que la formule "abolir hors les crimes odieux" ne recouvre en réalité qu’une déclaration en faveur de la peine de mort. Dans la réalité judiciaire, personne n’encourt la peine de mort hors des crimes odieux. Mieux vaut donc, dans ce cas-là, éviter les commodités de style et se déclarer partisan de la peine de mort. (Applaudissements sur les bancs des socialistes.)
Quant aux propositions d’exclusion de l’abolition au regard de la qualité des victimes, notamment au regard de leur faiblesse particulière ou des risques plus grands qu’elles encourent, le Gouvernement vous demandera également de les refuser, en dépit de la générosité qui les inspire.
Ces exclusions méconnaissent une évidence : toutes, je dis bien toutes, les victimes sont pitoyables et toutes appellent la même compassion. Sans doute, en chacun de nous, la mort de l’enfant ou du vieillard suscite plus aisément l’émotion que la mort d’une femme de trente ans ou d’un homme mûr chargé de responsabilités, mais, dans la réalité humaine, elle n’en est pas moins douloureuse, et toute discrimination à cet égard serait porteuse d’injustice !
S’agissant des policiers ou du personnel pénitentiaire, dont les organisations représentatives requièrent le maintien de la peine de mort à l’encontre de ceux qui attenteraient à la vie de leurs membres, le Gouvernement comprend parfaitement les préoccupations qui les animent, mais il demandera que ces amendements en soient rejetés.
La sécurité des personnels de police et du personnel pénitentiaire doit être assurée. Toutes les mesures nécessaires pour assurer leur protection doivent être prises, Mais, dans la France de la fin du xx° siècle, on ne confie pas à la guillotine le soin d’assurer la sécurité des policiers et des surveillants. Et quant à la sanction du crime qui les atteindrait, aussi légitime quelle soit, cette peine ne peut être, dans nos lois, plus grave que celle qui frapperait les auteurs de crimes commis à l’encontre d’autres victimes. Soyons clairs : il ne peut exister dans la justice française de privilège pénal au profit de quelque profession ou corps que ce soit. Je suis sûr que les personnels de police et les personnels pénitentiaires le comprendront. Qu’ils sachent que nous nous montrerons attentifs à leur sécurité sans jamais pour autant en faire un corps à part dans la République.
Dans le même dessein de clarté, le projet n’offre aucune disposition concernant une quelconque peine de remplacement.
Pour des raisons morales d’abord : la peine de mort est un supplice, et l’on ne remplace pas un supplice par un autre.
Pour des raisons de politique et de clarté législatives aussi : par peine de remplacement, l’on vise communément une période de sûreté, c’est-à-dire un délai inscrit dans la loi pendant lequel le condamné n’est pas susceptible de bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle ou d’une quelconque suspension de sa peine. Une telle peine existe déjà dans notre droit et sa durée petit atteindre dix-huit années.
Si je demande à l’Assemblée de ne pas ouvrir, à cet égard, un débat tendant à modifier cette mesure de sûreté, c’est parce que, dans un délai de deux ans - délai relativement court au regard du processus d’édification de la loi pénale - le Gouvernement aura l’honneur de lui soumettre le projet d’un nouveau code pénal, un code pénal adapté à la société française de la fin du XXème siècle et, je l’espère, de l’horizon du XXIème siècle. A cette occasion, il conviendra que soit défini, établi, pesé par vous ce que doit être le système des peines pour la société française d’aujourd’hui et de demain. C’est pourquoi je vous demande de ne pas mêler au débat de principe sur l’abolition une discussion sur la peine de remplacement, ou plutôt sur la mesure de sûreté, parce que cette discussion serait à la fois inopportune et inutile.
Inopportune parce que, pour être harmonieux, le système des peines doit être pensé et défini en son entier, et non à la faveur d’un débat qui, par son objet même, se révèle nécessairement passionné et aboutirait à des solutions partielles.
Discussion inutile parce que la mesure de sûreté existante frappera à l’évidence tous ceux qui vont être condamnés à la peine de réclusion criminelle à perpétuité dans les deux ou trois années au plus qui s’écouleront avant que vous n’ayez, mesdames, messieurs les députés, défini notre système de peines et, que, par conséquent, la question de leur libération ne saurait en aucune façon se poser. Les législateurs que vous êtes savent bien que la définition inscrite dans le nouveau code s’appliquera a eux, soit par l’effet immédiat de la loi pénale plus douce, soit - si elle est plus sévère - parce qu’on ne saurait faire de discrimination et que le régime de libération conditionnelle sera le même pour tous les condamnés à perpétuité. Par conséquent, n’ouvrez pas maintenant cette discussion.
Pour les mêmes raisons de clarté et de simplicité, nous n’avons pas inséré dans le projet les dispositions relatives au temps de guerre, le Gouvernement sait bien que, quand le mépris de la vie, la violence mortelle deviennent la loi commune, quand certaines valeurs essentielles du temps de paix sont remplacées par d’autres qui expriment la primauté de la défense de la Patrie, alors le fondement même de l’abolition s’efface de la conscience collective pour la durée du conflit, et, bien entendu, l’abolition est alors entre parenthèses.
Il est apparu au Gouvernement qu’il était malvenu, au moment où vous décidiez enfin de l’abolition dans la France en paix qui est heureusement la nôtre, de débattre du domaine éventuel de la peine de mort en temps de guerre, une guerre que rien heureusement n’annonce. Ce sera au Gouvernement et au législateur, du temps de l’épreuve - si elle doit survenir - qu’il appartiendra d’y pourvoir, en même temps qu’aux nombreuses dispositions particulières qu’appelle une législation de guerre.
Mais arrêter les modalités d’une législation de guerre à cet instant où nous abolissons la peine de mort n’aurait point de sens. Ce serait hors de propos au moment où, après cent quatre vingt dix ans de débat, vous allez enfin prononcer et décider de l’abolition.
J’en ai terminé.
Les propos que j’ai tenus, les raisons que j’ai avancées, votre cœur, votre conscience vous les avaient déjà dictés aussi bien qu’à moi. Je tenais simplement, à ce moment essentiel de notre histoire judiciaire, à les rappeler, au nom du Gouvernement.
Je sais que dans nos lois, tout dépend de votre volonté et de votre conscience. Je sais que beaucoup d’entre vous, dans la majorité comme dans l’opposition, ont lutté pour l’abolition Je sais que le Parlement aurait pu aisément, de sa seule initiative, libérer nos lois de la peine de mort. Vous avez accepté que ce soit sur un projet du Gouvernement que soit soumise à vos votes l’abolition, associant ainsi le Gouvernement et moi-même à cette grande mesure. Laissez-moi vous on remercier.
Demain, grâce à vous la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées.
A cet instant plus qu’à aucun autre, j’ai le sentiment d’assumer mon ministère, au sens ancien, au sens noble, le plus noble qui soit, c’est-à-dire au sens de "service". Demain, vous voterez l’abolition de la peine de mort. Législateur français, de tout mon cœur, je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs des socialistes et des communistes et sur quelques bancs du rassemblement pour la République et de l’union pour la démocratie française - Les députés socialistes et quelques députés communistes se lèvent et applaudissent longuement.)

la LDH réagit à la proposition de loi visant à rétablir la peine de mort



article de la rubrique peine de mort > en France date de publication : mercredi 5 mai 2004



Henri Leclerc, Michel Tubiana, Victor Hugo, Arthur Koestler.


qu’un sang impur ...

Quarante sept députés ont cosigné une proposition de loi, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2004, visant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme.
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Dominique Hasselmann, le 15 avril 2004.
"Au fond de chaque homme civilisé se tapit
un petit homme de l’âge de pierre,
prêt au vol et au viol,
et qui réclame à grands cris un oeil pour un oeil.
Mais il vaudrait mieux que ce ne fût pas
ce petit personnage habillé de peaux de bêtes qui inspirât la loi de notre pays." [
1]

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Nous avons posé la question à Maître Henri Leclerc, président d’honneur de la LDH : cette proposition de loi est-elle une gesticulation ou bien est-il possible aujourd’hui - constitutionnellement parlant - de rétablir la peine de mort en France ?
Voici sa réponse :
Il s’agit évidemment d’une manoeuvre politicienne dont les auteurs savent parfaitement qu’elle n’a aucune chance d’aboutir.
Ce n’est pas seulement des raisons juridiques qui empêchent de rétablir la peine de mort, c’est aussi, me semble-t-il - et c’est pour les abolitionnistes de toujours une heureuse surprise - l’état actuel de l’opinion sur ce sujet. Mais il est vrai que chaque crime odieux provoque une flambée de colère débouchant inéluctablement sur une revendication de retour en arrière. Il faut donc combattre de telles propositions politiquement et montrer que le retour à la barbarie n’est pas une arme que les démocraties peuvent utiliser, même contre la barbarie elle-même et que le combat qu’il convient de mener est celui de l’abolition universelle, en particulier, bien sûr, aux Etats-Unis. On peut toujours rappeler à ce sujet d’ailleurs que les 3500 occupants des couloirs de la mort et la centaine d’exécutions annuelle n’ont pas fait reculer les crimes de sang ni empêché le 11 septembre. Puisque cette proposition est une gesticulation politique ne feignons pas de l’ignorer et n’hésitons pas à engager le débat qui provoque inéluctablement une réflexion sur le sens de la peine, sur la prison et plus généralement sur le problème de la confrontation en démocratie entre la répression du crime et le respect des droits de l’homme.
Juridiquement, c’est en effet le protocole n° 6 annexé à la Convention européenne des droits de l’homme qui prévoit l’abolition de la peine de mort. La France l’a ratifié comme les 45 pays du Conseil de l’Europe ( y compris la Turquie, mais à l’exception notable de la Russie qui dit ne plus l’appliquer mais la conserve dans son arsenal).
Pour les Etats qui l’ont ratifié le protocole n° 6 est indissociable de la Convention. Certes il est possible de se retirer de la Convention. Mais c’est politiquement inconcevable
Rappelons aussi que l’article 2 de la Charte de l’Union européenne impose, sans restrictions aucunes, l’abolition.
Ne baissons pas la garde !
Henri Leclerc
le 30 avril 2004

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Le 4 mai 2004, Michel Tubiana, président de la LDH, a écrit au Premier Ministre pour lui demander que la France ratifie le protocole additionnel n°13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme :
Monsieur le Premier Ministre,
La France a signé, le 3 mai 2002, le protocole additionnel N° 13 à la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme. Ce protocole abolit la peine de mort en toutes circonstances.
Les gouvernements qui se sont succédés depuis 1981 ont tous réaffirmé leur attachement à l’abolition de la peine de mort.
Monsieur François Mitterrand puis Monsieur Jacques Chirac, ce dernier tant en qualité de député que dans l’exercice de ses fonctions actuelles, ont manifesté leur refus de la peine de mort.
Alors que des voix s’élèvent pour tenter de revenir sur cette abolition, il nous paraît de la plus haute importance que la France garantisse le caractère irréversible de l’abandon de la peine de mort dans notre droit.
C’est pourquoi, nous vous demandons de soumettre au Parlement la ratification du Protocole additionnel N° 13.
Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, en l’assurance de ma haute considération.
Michel Tubiana - Président de la LDH
Le même jour, il s’adressait aux 47 députés signataires de la proposition de loi :
Mesdames, Messieurs,
Vous avez déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale une proposition de loi tendant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme.
Vous expliquez cela par la nécessité de défendre les états et les peuples, "en temps de guerre".
Je ne m’attarderai pas sur les raccourcis auxquels vous avez recours et qui vous conduisent à classer l’Indonésie et le Maroc dans les pays "occidentaux" ou à mêler les attentats survenus depuis 2001 avec ceux commis en France entre 1986 et 1996.
Je ne m’attarderai pas plus sur l’incongruité juridique de cette proposition de loi qui aboutirait à dénoncer dans son ensemble la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme.
Au fond des choses, et ainsi que vous le relevez vous-mêmes, en ce domaine encore plus que dans les autres, la peine de mort n’a aucun effet dissuasif. Dès lors, ce que vous demandez, c’est l’application de la loi du talion et remplacer la justice par la vengeance.
La proposition de loi que vous avez déposée ne résoudra rien. Lutter contre le terrorisme, ce qui est le devoir de tout État démocratique, c’est non seulement mettre en œuvre les moyens policiers et judiciaires nécessaires et respectueux de l’état de droit, mais c’est aussi s’attaquer aux situations qui permettent à certains d’exploiter les injustices de ce monde.
En appliquant la peine de mort aux auteurs ou aux instigateurs d’actes de terrorisme, vous ne ferez que créer de nouveaux martyrs ce qui entraînera d’autres actes de violence.
Plus grave encore, vous raménerez les démocraties au même mépris de la vie humaine que ceux que vous prétendez combattre.
Tout cela, vous ne l’ignorez pas et votre démarche n’a d’autres buts que d’attiser les peurs. Le comble de la démagogie est atteint lorsque vous croyez devoir vous prévaloir des propos de Robert Badinter dont vous savez pourtant l’opposition, en toutes circonstances, à l’application de la peine de mort.
Non seulement, nous nous opposerons à votre proposition de loi, mais nous demandons, dès aujourd’hui, au Premier ministre, de soumettre au Parlement la ratification du protocole N° 13 prohibant la peine de mort en toutes circonstances.
Je vous prie de croire, Mesdames et Messieurs les députés, en l’assurance de ma considération.
Michel Tubiana - Président de la LDH



 

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