dimanche 25 octobre 2020

Gargenville...Georges CHEREL l'évasion de Voves (10)



La dernière guerre 1939/1944 

Georges CHEREL

Nom "Chevalier"

 L’évasion de Georges Cherel  

le 9 novembre 1943.

 VOVES Eure et Loire (28)

 

Camp de prisonniers gardé par des policiers et anciens militaires français

 
Personne ne connaissait mon mode d’évasion pendant 60 ans.



J’ai froid dans cette baraque je n’arrive pas à dormir ce soir, tu parles toi plus 50 Gus dans un baraquement prévu pour 35 internés. 
J’écris une lettre au Directeur du camp en lui précisant : 



Demain je m’évade, je le remercie de son attachement à ma personne et des conditions d’internement, recevez, Monsieur, mes salutations.

Je glisse ce courrier dans le cahier de compte du chef des popotes, il le trouvera au matin.
Ce document figure aux archives départementales Eure et Loir


81 évasions dans ce camp de concentration


 

Le 9 janvier 1943, 10 internés sortent par la porte du camp, déguisés en gendarmes et les gendarmes les vrais sont obligés de lancer des avis de recherches.

D’autres évasions ont eu lieu dans ce camp.


La plus célèbre d’entre elle le 19 février 1944 par un film La Grande Évasion un tunnel de 148ml et plus de 42 évadés avec Steve Mc Queen acteur Américain.
Film tourné en 1963
 


Le camp de Voves est liquidé 72 heures avant le débarquement en Normandie.


Le 9 mai 1944 un train composé de wagons à bestiaux s’arrête en bordure du camp ou ce matin- là, subsistent 407 internés.


Après un regroupement de divers camps ils sont dirigés vers Buchenwald.


Ils y arrivent le 24 mai 1944.


Ils seront enregistrés dans la série des matricules de 30000 à 32200.


Voilà le camp de Voves est nettoyé………

J’ai mal au ventre, le repas de midi me reste sur l’estomac rien que d’y penser soupe de rutabaga et choux un seul repas par jour la moyenne de viande 2 grammes os compris par semaine.
 Quand je pense que la nourriture arrive et repart devant le camp, marché noir oblige.


Ma Pauline doit me transmettre les données codées de l’évasion, j’attends sa lettre elle n'arrivera  que le lendemain de mon départ.


Mon groupe de résistance de Mantes a prévu un vélo caché dans une ferme abandonnée sur la route.

intérieur d’un baraquement



Les départs pour l’Allemagne se précipitent trop rapidement des bruits circulent de bouche à bouche.


Je n’ai rien à perdre à ce moment là, bientôt nous serons tous déportés vers un camp dont personne ne revient Mauthausen ou Châteaubriant, torturés fusillés ou exécutés et sur décision du préfet de Vichy de façon très poétique comme il l’écrit :


Pris en charge par les autorités d’occupation ou sorti-le…suivi d’une date de départ.


Un camp de concentration en plein dans la plaine de Beauce l’occupant a besoin d’otages, on y sera classé répertoriés pour être engloutis et oubliés plus de traces.


Le centre de séjour surveillé portera plus tard le N°15.


L’antichambre des camps de la mort convient mieux.
emplacement des cuisines

 

Certains prisonniers bénéficieront d’une libération sans connaître la raison de cette grâce inattendue ils ne furent pas nombreux.


Je peaufine une évasion depuis le premier jour.


Ne parle à personne par habitude je suis à ma quatrième évasion: il me reste peu de force cette fois 30 kg perdu depuis mon arrivée il y a quatre mois.


J’ai vu partir plusieurs convois en direction de Auschwitz par wagons à bestiaux il est vrai que : résistants, communistes ou juifs sont à éliminer ordre du Fureur.


A putain de France occupée et nous sommes gardés par des Français de Pétain.


La direction du camp est assurée par un ancien militaire, secondé par des inspecteurs de polices qui eux-mêmes aidés de gardes civils avec une administration civile de gens du coin et en plus un détachement de gendarmerie assure la garde, le tout supervisé par le préfet de l'Eure et Loir et autorités d’occupation.




Plaque commémorative à Voves


Wagon ayant servi pour le transport de prisonniers vers leurs exterminations

ou la torture en direction d'un non retour de Châteaubriant.


Entrée du camp de Voves

 Préparation de mon évasion

Ce matin, lors de l'appel est demandé un cuisinier, je lève la main par chance me voilà à la cantine des gardes chiourmes français.

Je deviens exemplaire au service de mes geôliers, préparation de la popote, ils me considèrent digne de confiance avec un excellent esprit. Je leur présente avec le sourire ma soupe bien parfumée avec par propre urine, même qu'ils me complimentent ce soir là. 

Entre deux je passe un séjour à l’hôpital de Chartres sans pouvoir m'évader trop cerné et surtout fatigué, rien de bien méchant en apparence depuis un passage à Château-Brillant, cet endroit de torture ou l'on cause entre copains... (Georges le paiera plus tard en fin de vie en 1979)...

Dans ma cuisine je reprends force et courage étant affaibli par malnutrition et emprisonnements répétés, à la libération je ne pèse que 48 kilos pour 1.87.

Des potes crèvent de maladies aucun soin ni médicament ne parvient aux internés ou si peu dans les colis de la famille visités par les gardiens.

Certains dépriment leurs femmes écrivent que c’est fini entre eux, qu'elles ne peuvent attendre leur retour ayant des enfants à nourrir.

D’autres apprennent le décès d’un proche ou bien que la famille n’a plus à manger et leur femme  demande s’il  peut envoyer un colis pour les aider?
 
Emplacement des cuisines à gauche de l'allée au centre du plan


Le jour J.


Il est 19 heures, je sors un cageot sous le bras.


Un garde civil m’interpelle : Ou vas-tu !


 Je vais au réfectoire chercher quelques restes pour la soupe de demain.


Cinq minutes plus tard je reviens et lui précise, les gendarmes n’ont pas terminé leur repas, je reviendrai un peu plus tard.


Caché dans un coin, je surveille le garde, en guettant l'arrivé du camion de ravitaillement celui-ci a du retard ce soir, çà commence mal.


Enfin il s'absente aux toilettes quelques instants.


Je me glisse dans le camion de ravitaillement stationné à l’arrière des popotes et je me roule dans la bâche servant en cas d’intempéries. Il démarre enfin, s’arrête à l’entrée du camp pour contrôle puis doucement roule en direction du centre ville.


Ouf !


Je respire attendant le moment de sortir de ma cachette, enfin il ralentit et à l’intersection je saute du camion. Il fait nuit noire, je me perds dans la rue et reviens sur mes pas, avec l'angoisse de tomber sur une patrouille.


Je prends la direction de la ferme indiquée ou ce trouve un vélo mis à ma disposition par mon groupe de résistance, une marche de nuit. Mes pieds sont gelés sur ces chemins caillouteux.


Enfin la grange indiquée, j’y pénètre pas de vélo! j’apprendrais plus tard que celui-ci à servi à un autre évadé, je peste et décide de dormir dans la paille jusqu’au soir suivant afin de reprendre des forces.


Un bruit me réveille une poule passe tant pis pour elle, ripaille un œuf dans ses entrailles je le gobe et mange cru le chapelet d’œufs, je vomis plus l’habitude d’un tel repas.


Je sais cela peu vous choquer mais la faim m’a fait manger pire au camp, il n’y avait plus d’herbe à grignoter sous nos pied qu'un sol détrempé de la Beauce profonde, je mangeais des verres de terre après avoir frappé le sol des pieds, l’on pouvait les attraper facilement et prendre quelques protéines. Les gardes français s’amusaient de notre étrange repas.



Je pars à pied par la route 5/10 kilomètres le jour se lève.


Un moulin à vent apparaît au loin je m’y dirige tout semble calme, je frappe personne ne me répond, je pénètre sur la table un reste de miche de pain et fromage que j’entame goulûment, je lève la tète et aperçois une femme armé d'un fusil pointé vers moi. Qui es-tu ?

Je suis un évadé du camp de Voves, je lui montre mon costume trop grand pour moi emprunté à la lingerie.


Ouvre le placard tu trouveras les affaires de mon homme parti à la guerre ils ne lui serviront plus le pauvre ils l’ont crevé le premier jour, lave-toi, rase-toi, prend la nourriture que tu as besoin dans le garde-manger, prend ses papiers et l’argent dans la boite qui se trouve dans la maie, disparaît vite, tu me fais peur


Je la remercie en m’exécutant et en lui précisant : Je prends aussi le vélo.



Moulin ayant servi à Georges lors de son évasion de Voves

Voyage vers Gargenville


Pédaler en vélo de femme me rend heureux à cet instant mon esprit va vers Ma Pauline je désire la serrer dans mes bras aurais-je bientôt cette chance le jour se lève, il fait froid, mais il ne pleut pas quel bonheur cet instant de liberté.


Je m’installe au comptoir d’un bistrot et commande un verre de lait, j’avoue la surprise du patron il me regarde et me dit :


Mon gars tu viens de loin je te l’offre.


J’ai un fils prisonnier à Voves, je n’ai pas de nouvelles depuis longtemps.


Tu viens d’où mon gars !



Je  lui présente un laisser passer du camp en lui précisant que je ne connais pas son gamin, désolé.

(A l’atelier j’ai fabriqué un laissé-passé dans un bouchon de liège imitant le cachet de sortie du camp).


Je me rends compte que je dois me méfier de tout.

Je repars tranquillement me promettant de ne plus m’arrêter en route et de ne voyager que la nuit.

A l’entrée de Moutier je tombe nez à nez sur un contrôle de police. Je ne peux faire demi-tour calmement je tends les papiers empruntés au moulin.

Ou vas-tu Meunier.

Je vais à la Mairie de Chartres voir s'il y a du blé cette semaine.

Lui : Ce n’est pas la route.


Je vais saluer ma vieille tante malade à Mérouville.


Circule mon gars et bonne chance, tu as un contrôle à hauteur de Chartres un prisonnier s’est évadé fait attention.


Merci. Une chance ce policier avait compris ma situation.


Je ne regrette pas au camp d’avoir pratiqué la gymnastique volontaire cela me permet de pédaler aisément sans trop de fatigue.


J’approche de mon village et décide de me cacher au bois de Montalet le long de la gare entre Issou, Porcheville et Gargenville, là où se trouve actuellement la raffinerie ELF, j’espère que ma cache est toujours là. Je suis fourbu. Je termine la miche de pain de cette brave femme, j'espère la remercier un jour.


Pauline pleure en me voyant, rentre vite des policiers sont passés ce matin ils te recherchent.


Je leur ai dit que tu étais en prison à Voves.


Tu t’es évadé comme convenu, as-tu reçu ma lettre ! La journée se passe gentiment en explications.


Je vais quelques temps chez Tonton Jean Cherel à Goupillères (78), rejoins-moi dimanche.


 Maison de l’Oncle Jean Cherel  à Goupillères 2001


Reste cette nuit part demain je prépare tes affaires.  D’accord personne ne m’a vu, je suis tranquille.


Je m’allonge quand, j’entends frapper à la porte :


Georges, je sais que tu es là, sauve toi je reviendrai demain avec mes collèges, viens chez moi si tu ne sais pas ou aller. Salut.


Sacré Charles il est drôle me cacher chez un flic pourquoi pas après tout. Il est venu de d’Epône/Mézières me prévenir, il repassera à 6 heures,  je serai déjà loin.


Il y a une taupe dans le groupe de résistance de Mantes, en passant j’ai déposé un papier chez Racaud à Mantes par lequel j’étais de retour.

Je dois me méfier maintenant je n’irai plus à leur réunion pendant un temps.


Me voilà de nouveau à vélo en direction de Goupillères.





Arrivé au contour du bois d’enfer j’aperçois la maison de Tonton  Jean, un mirador en plein dans son jardin. J’observe les mouvements le va et vient, plusieurs allemands circulent l’un d'eux scrute la plaine avec ses jumelles.


Je vais devoir attendre le moment pour aller chez lui, en chemin, je l’aperçois arrivant de son travail de cantonnier municipal.


Que fais-tu là malheureux tu ne peux pas venir à la maison elle est occupée par trois allemands et nous habitons dans la bergerie part loin mon gars nous avons déjà tes trois cousines!


Je partirai Tonton laisse moi me reposer Pauline m’apportera des affaires dont j’ai besoin.

Je t’en prie si tu te fais arrêter chez moi nous serons tous emprisonnés, part, ils ne plaisantent pas ces gens.


Après un long silence il ajoute: glisse jusqu’à la grange, Janine te portera à manger en allant donner à manger au chien.


Il ne me reste plus qu’à obéir à l’Oncle Jean et attendre caché que ma cousine m’apporte une soupe  poulet pommes de terre l"excédent des boches de midi.


Pauline arrive deux jours plus tard et accompagne Jeanine à ses taches habituelles, la grange est pleine de foin pour nous cacher.


Que faisons-nous maintenant ?


J’ai réfléchi toute la nuit, je part pour La Rochelle chez les cousins, l'histoire de m'échapper du secteur.



Je regarde le ciel ce soir les étoiles semblent se rapprocher l’une vers l’autre. J’ai l’impression de voler à leur coté, sont-elles le prolongement de chaque être. Toi le docteur Recher mon ami est-tu là où là en ce moment.

Je me sens las de cette guerre il y a des bruits de ferme, je n’arrive pas à dormir et cette saleté de paille me pique. Les boches eux dorment dans la maison de Tonton tranquille du moins je le souhaite.



Nous organisons avec tonton ce départ pour la Rochelle afin d’être oublié. Moi à vélo dans la nuit, Pauline elle me rejoindra un peu plus tard.


Je reprends mon métier de maçon, une dénonciation d'une de mes cousines et me voici de nouveau arrêté et envoyé à la Prison de La Rochelle.
Tète de pierre du pays en calcaire "La torture du Noyer"




JP CHEREL

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