L’arpète et le trousse-couilles
La petite histoire se déroule en 1960 à cette période le
code du travail comportait 10hs par jour plus le samedi matin.
Je n’étais qu’un jeune garçon sans grande expérience de la
vie et encore moins de la profession que je m’apprêtais épouser ma vie durant.
Mon papa homme du bâtiment avec sa tenue de travail de
couleur bleue, représentant la corporation de Maçon avec le dimanche une cotte
neuve cravate et veste de costume par-dessus.
Les jours de mes 12 ans il me demande ce que je veux faire
plus tard, je lui réponds comme toi Papa, il fut certainement flatté de la
réponse mais aucune réaction de sa part.
Cette scène se déroule à la banque Populaire de Mantes la
Jolie, il désirait confier mon éducation à l’agence connaissant le responsable
il souhaitant plus tard me voir à un poste honorable dans cet institut bancaire
comme il disait.
Je me souviens de la tète du responsable il en est resté
béat, il insista mais je lui répétais les mêmes propos.
Voilà le début de mon apprentissage d’écolier arpète du
bâtiment.
Robert Testaud à cette époque était mon Maître d'apprentissage. C’était un homme de caractère 1.85ml plutôt belle gueule de titi parisien.
Sa tenue vestimentaire rappelait celle de mon Père mais tout
de blanc représentant les plâtriers avec une casquette, un mouchoir à petits carreaux autour du
cou et de gros sabots en bois qu'il portait pendant son travail.
Son air de parisien demandait le respect, indépendant
l’homme communiquait peu avec les autres employés de l’entreprise, mon Père le
laissait souvent seul à cause de son mauvais caractère.
Et me voilà tout frais ce lundi matin dans le moule
d’arpète plâtrier sans expérience.
Il me regarde d’un air hautain.
Un bonjour timide s’échappe de ma bouche, l’homme s’en alla pisser dehors sans un mot.
A la première gâchée, je le regarde travailler ne sachant
que faire que dire, il me pousse plusieurs fois je le dérange dans son travail
et ses habitudes.
Cette scène se prolonge plusieurs jours, j’essaie de lui
préparer les seaux d’eau de lui apporter le sac de plâtre que je traîne sur l’échafaudage.
Sacré sac plus lourd que moi je remplis le tonneau d’eau en
permanence sans rechigner.
J’éprouve une certaine fierté à le servir.
Il ne parle toujours pas.
Là commence l’épisode que je ne suis pas près d’oublier.
Le sol de l’échaudage glisse, je comprends ses sabots de
bois et la paille qu’il change chaque semaine.
J’essaie au mieux de lui nettoyer ses outils sa truelle ,son
auge, sa bertlet, ses règles en bois à chacune des gâchées et là catastrophe la
fameuse bertlet casse.
A cet instant il m’agrippe, je décolle du plancher sans
comprendre et me voilà le cul dans l’auge pleine de plâtre en préparation.
Il rentre dans une humeur massacrante et blessante en
paroles, aucun mot ne sort de ma bouche.
La journée se passe mal je suis trempé et plein de plâtre de
la tète au pied.
Je rentre à la maison la journée s’est bien passé me demande
maman !
Bien Maman.
Le père rentre tard à son habitude soit d’une réunion
municipale ou du travail. Il ne me demande rien et ne lui dit mot.
Le lendemain je me lève tôt et déjeune rapidement je profite
de mon avance pour regarder si je ne trouve pas dans le garage de père un outil semblable, ma recherche reste vaine,
je comprends que cet outil est exclusif à la profession.
Je me promets de lui en acheter un outil avec mes économies.
J’irai à Mantes rue Porte aux Saints chez Tabu le
spécialiste de l'outillage.
La journée passe rien ne change nettoyage et
approvisionnement ouf! La semaine se termine.
Le lundi suivant, je lui apporte la fameuse bertlet toute
neuve il me regarde et la jette dans le seau d’eau sans un mot.
Je sens son regard pesant sur moi, la journée se déroule sans
le moindre mot à son habitude.
Je me change vite fait après le travail et là il me dit: Je
t’emmène arroser ça et nous voilà partis en vélo en direction de Gargenville,
sur la route de Meulan, pas fière le gars tout sourire, je pédale en vélo
derrière lui.
Il s’arrête devant un bar et me dit pose ton cycle, nous
allons saluer ces dames au « Tout Va Bien ».
Je le regarde sans comprendre son regard devient lumineux je
me sens aux anges avec l’impression d’avoir gagné la confiance de Robert.
Je compris plus tard la situation grotesque dont j’étais le
fruit.
Il s’installe au bar et commande une bière, la patronne me
demande :
Tu veux une limonade mon garçon !
Je lui réponds un "oui"de plaisir.
Qu’elle poitrine des seins splendides, j’étais rouge comme
une pivoine.
Elle se mit à rire d’un éclat de chacal.
Robert lui susurre quelques mots dans l’oreille je comprends
qu’il se connaisse.
Elle appelle une servante celle-ci apparaît d’une pièce
située à l’arrière du bar se pose derrière bar.
Robert se dirige vers la pièce vide et disparaît avec la
patronne et ne revint que plus tard.
Je déguste avec plaisir ma limonade.
La femme me dit, quel age as-tu !
Moi tout fier 15 ans Madame.
Tu reviendras plus tard me dit-elle, tu es trop jeune.
Que d’interrogations dans ma tète ?
Enfin Robert apparaît l’air satisfait.
Paie mon gars nous allons partir maintenant.
Je sors de l’argent de ma bourse, elle me le prend me
dit :
C’est bon pour cette fois mais n’y revient pas à ce prix.
Ma première paie complète y est passée ce jour-là.
La semaine suivant il se mit à me parler :
Tu veux apprendre le métier gars comme ton Père :
Oui.
Cela te plait :
Oui.
Bien alors je vais faire de toi le meilleur des plâtriers.
Ce jour là il m’expliqua le maniement des outils et le nom.
Il m’apprend à gâcher de plâtre.
Tu vas ne préparer qu’un sac de plâtre dans l’auge et
l’employer seul.
Peste-me voilà à l’ouvrage.
4 seaux d’eau et un sac de plâtre.
Doucement mon gars tu vas faire des grumeaux il me prend les
mains et m’aide à déverser la plâtre en secouant mes poignets.
Il se pose sur l’échafaudage et se mis à rouler une
cigarette de tabac papier mais.
La première fois et la dernière fois que je le vois assis.
Laisse reposer 5 minutes.
Maintenant tu prends le trousse-couilles et tu remue bien
pendant longues cinq minutes.
Un drôle d’outils en forme de râteau, environ un mètre
cinquante de long avec du fil et du fer galvanisé au bout afin de battre le
plâtre.
Plus vite mon gars me cria t-il, trop mou dès que tu vois
l’écume en surface tu t'arrête.
Je m’exécute et là je comprends que ma position n’est pas la
bonne.
Il me dit écarte les jambes, dépêche-toi le plâtre prend.
Je commence pour la première à suer de mon travail et
apprécie cette ivresse m’envahissant.
Ça va mon gars me dit-il d’un air malin.
Tu as compris la bonne position:
Moi oui, mais un peu honteux et rouge de plaisir, je compris
enfin le nom donné à l’outil.
Bien maintenant emploie ton plâtre prend mes outils.
Une poêle énorme je prends la plus grande et essaie de
jeter le plâtre sur le mur tout tombe par terre.
Continue ne t’arrête pas.
Le plâtre s’épaissit et se solidifie dans l’auge dans l’auge
en bois je transpire.
Arrête, tu as compris maintenant, il va te falloir du temps
pour apprendre.
Nettoie les outils la prochaine je gâche avec toi.
Là commence ma vie de plâtrier, j’essayais d’aller de plus
en plus vite dans mon travail
Lui :
Nous avons fait quatre-vingt mètres aujourd’hui.
Je suis fier de moi mais ma désillusion arriva rapidement.
La paie tombe chaque semaine, je gagne 8 centimes d’euros en
tant qu’apprenti.
Et là papa donne à Robert une somme d’argent en espèce en
lui disant voilà ta prime de rendement.
Pas un regard envers moi ne fut porté par mes Pères,
j’entends encore mon père dire :
Ça va le fils !
Et lui : tu sais, il apprend mais il n’est pas doué ton
garçon.
Quelle claque ?
Rentré la maison, je demandai à mon père de me changer
d’équipe.
Il ne me pose pas de question et le lundi suivant, me voilà
dans une équipe de Maçon.
De vrais Maçons des durs, des alcoolos et là je vais en chier
pendant la fin de mon stage de deux années.
Entre deux j’apprends le décès de Testaud mon Maitre... trop bu parait-il...
Après le travail je prends les cours du soir afin d’obtenir
un CAP de Maçon que je réussis du
premier coup.
Il avait un fameux
chef Maurice Lorgnette un alcoolique, mais le record était tenu par Gaston Marie
le douze trous eh! Oui 12 litres dans la journée de travail et déjà le matin
avant le travail et après il écumait les bistros il avait sa dose vers 11hs.
J’ai vu Papa lui couper le lobe de l’oreille...Monsieur nous
faisant sa crise d’épilepsie.
Drôle d’ambiance.
Mais le pire le jeune Alain du bled d’à côté tout frais
arrivé en même temps que moi comme apprenti poussé par son futur Beau-Père le fameux
Maurice qui se faisait appeler Roland allez savoir...
Celui-ci en à fait un alcoolique renommé le pauvre il en est
mort à 35ans.
Le jeune que j’étais à cette époque a changé rapidement.
Je deviens rapidement chef d’équipe et conducteur de
travaux.
Ma vengeance professionnelle allait pouvoir commencer.
Malheureusement Père tombe malade, sale maladie due à des
tortures de guerre.
Il me demande de reprendre le flambeau plutôt que prévu.
Je lui propose de ne pas reprendre ce personnel alcoolique
ma seule condition.
Refus de sa part.
Tu dois les accepter tel quel qu’ainsi que le matériel.
J’accepte à contre cœur.
A 18 ans me voilà à la tète d’une entreprise de maçonnerie.
dans l’année qui suivi j’avais viré tout le personnel là fut
ma petite vengeance.
Parfois je n'ai rien a faire d'autre alors j'écris...
JP CHEREL