La réforme envisagée revient à vider de sa substance la liberté pédagogique des écoles hors contrat.
La Fondation pour l'école appelle le ministère à retirer son projet ou à en lever toutes les ambiguités.
Le Ministère de l'Education nationale
projette de modifier le régime d'ouverture des établissements hors
contrat (en passant d'un régime de déclaration d'intention à un régime
d'autorisation préalable) et d'imposer désormais à ces établissements,
ainsi qu'aux enfants pratiquant l'école à la maison, le respect des
programmes de l'école publique, à chaque fin de
cycle soit en CE2, 6ème et 3ème . La Fondation pour l'école a été
consultée. Elle est tout à fait opposée aux réformes prévues au regard
des projets de textes qui lui ont été transmis par le ministère. En
effet, les réformes envisagées réduisent drastiquement la liberté
d'enseignement comme la liberté d'association, deux principes de rang
constitutionnel qui sont au fondement de notre Etat de droit, sans que
les motifs de telles restrictions puissent être saisis avec certitude.
1° Projet de réforme du régime d'ouverture des écoles hors contrat
Le ministre de l'Education nationale a
justifié ses projets de réforme par des objectifs contradictoires d'une
déclaration à l'autre : tantôt il s'agissait de prévenir le
développement d'écoles radicalisantes, tantôt était invoquée la
nécessité de mettre un terme à l'indigence académique d'une
poignée d'écoles. A noter que la rue de Grenelle a refusé de publier la
liste des écoles hors contrat posant problème et servant d'élément
déclencheur de cette réforme, et n'a pas davantage expliqué pourquoi
elle ne fermait pas ces écoles alors que l'article 227-17-1 du code
pénal lui en donne tout à fait le pouvoir.
Instaurer un régime d'autorisation n'a rien
d'un toilettage technique des textes ; c'est une révolution contraire
au principe même de liberté d'ouverture qui découle du caractère
constitutionnel de la liberté d'enseignement.
Cela conduira mécaniquement à la
raréfaction du nombre d'écoles hors contrat ouvertes chaque année. C'est
contraire à l'intérêt général, dans la mesure où 40% des élèves de
l'école publique sont en échec scolaire dans l'école publique à la fin
du CM2 et donc que notre pays a particulièrement besoin de disposer
d'écoles alternatives. Du principe d'un droit de la société civile à
ouvrir des écoles privées, on passerait avec ce projet de réforme à
celui de la restriction des ouvertures par l'Etat, conformément à la
volonté affichée par Najat Vallaud- Belkacem de rendre plus difficile
les créations d'écoles privées.
Si ce régime était mis en place, les
porteurs de projet d'école devraient faire des démarches administratives
nettement plus lourdes, ce qui augmenterait le coût de lancement et
conduirait à une raréfaction drastique des ouvertures d'école.
L'administration aurait en pratique toute latitude de rallonger les
délais, en ne cessant de demander des pièces administratives
supplémentaires pour empêcher de voir le jour aux projets qui ne lui
plairaient pas. Elle pourrait facilement en venir à exercer un contrôle
en opportunité.
Alors que la réforme subordonne l'exercice de libertés fondamentales à
un
régime d'autorisation administrative préalable, le gouvernement veut
procéder en toute hâte par ordonnance (en faisant adopter un amendement
dans le cadre de la Loi Egalité et Citoyenneté habilitant le
gouvernement à procéder par ordonnance législative). Il s'agirait,
selon la formule du directeur de cabinet adjoint du ministre de
l'éducation, O. Noblecourt, d'éviter de livrer le projet de réforme au «
ball trap parlementaire ». Formule que les parlementaires apprécieront.
S'il ne s'agit que d'un toilettage
juridique, pourquoi une telle hâte et un tel contournement des élus de
la République ? Si le but est de lutter contre la radicalisation de la
jeunesse, les mesures sont particulièrement inadaptées : il vaudrait
mieux, pour ce qui est des écoles privées sous ou hors contrat, imposer
la transparence sur l'origine des financements des écoles, contrôler le
respect de l'égalité homme/femme
dans l'établissement, et, s'agissant des écoles publiques, veiller à la
qualité de l'enseignement et à sa contribution à la concorde sociale
et à l'unité nationale.
Nous exercerons à l'égard des projets
de textes en cours d'élaboration toutes les voies de recours possibles.
Nous appelons en outre les parlementaires à refuser de se dessaisir de
leurs responsabilités sur un sujet qui touche gravement aux libertés
fondamentales et à rejeter en conséquence l'amendement habilitant le
gouvernement à procéder par ordonnance.
2) Projet de réforme du contrôle du contenu des connaissances acquises par les enfants
Ce qui fait que les écoles hors contrat
représentent un apport précieux dans le paysage éducatif français,
c'est leur liberté pédagogique. Pouvoir choisir librement les
progressions pédagogiques constitue un des
éléments, si ce n'est l'élément essentiel, de la liberté qui
caractérise les écoles hors contrat. C'est notamment cette liberté qui
permet à certaines de ces écoles d'accueillir des enfants à besoin
pédagogique particulier tels les enfants à haut potentiel ou les enfants
Dys. Les écoles sous contrat sont financées par l'Etat dans la mesure
justement où elles ont accepté d'enseigner selon les programmes de
l'Etat. Appliquer au hors-contrat la même obligation de
conformité des programmes revient à exiger de lui les mêmes contraintes
que le sous- contrat sans pour autant le financer !
Si les inspecteurs évaluent désormais le
niveau des élèves à chaque fin de cycle, en vérifiant qu'ils maîtrisent
les mêmes connaissances et compétences que les élèves suivant le
programme de l'éducation nationale, cela conduira les écoles hors
contrat à s'aligner sur les programmes de l'école publique
(qui sont définis par cycle). Ainsi, des écoles comme les écoles
Steiner ou Montessori, les écoles démocratiques ou les écoles Espérance
banlieues ne parviendront pas à se conformer à cette loi, tant leurs
progressions peuvent diverger de celles de l'Education nationale-
divergence qui ne les empêche pas d'atteindre le niveau exigé par le
Socle commun de connaissances, de compétences et de culture en fin de
période d'instruction obligatoire. C'est d'ailleurs cette liberté de
progression pédagogique qui fait la spécificité et l'intérêt des écoles
indépendantes.
Nous dénonçons le caractère illégal
d'un tel projet de décret au regard des dispositions législatives
pertinentes du Code de l'éducation et du caractère constitutionnel de
la liberté d'enseignement, laquelle comprend à l'évidence la liberté
des programmes (cf. l'article L442-3 du Code de l'éducation, par exemple pour le primaire).
Par conséquent, s'il devait être pris, nous contesterions la
légalité du décret devant le Conseil d'Etat et nous en demanderons la
suspension immédiate de l'exécution.
Nous déplorons que le Ministère prenne
l'initiative de rouvrir la guerre scolaire. Alors que 40% des enfants
sont en échec scolaire en fin CM2, nous ne voyons pas ce que la France
gagnerait à supprimer les alternatives pédagogiques qu'offrent les
écoles indépendantes à ses enfants.
Nous invitons donc le gouvernement à renoncer à ses projets de réforme.
TEXTES DE REFORME :
Anne Coffinier,
Directeur général de la Fondation
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