Frôlons-nous le milliard d'euros de fraudes par AN voire plus ???
Est-ce possible « la retraite post-mortem en France »??? Et transmettre directement à ses descendants ??? Pour cela faut-il habiter loin de France pour éviter les contrôles ???
Est-ce possible « la retraite post-mortem en France »??? Et transmettre directement à ses descendants ??? Pour cela faut-il habiter loin de France pour éviter les contrôles ???
Ils sont passés par chez nous pour travailler durement, certes, ils sont retournés dignement au pays afin de connaitre les joies de la retraite bien méritée et redistribuée par la retraite par la charmante Cnav.
Mais voilà ce que l’on apprend que 1.2 million d’étrangers repartis au
pays vivent bien plus longtemps que nos petits ouvriers français. Ils seraient
50 000 à avoir dépassé l’âge de vie moyen dont quelques milliers plus de 100 ans surtout dans les pays du Maghreb.
Ah! Belle France quand tu nous tiens…
Le contrôle est plus difficile à effectuer hors de France, comme nous le comprenons amplement.
Pour vérifier qu'ils sont bien en vie, le régime leur envoie plusieurs fois par an un «certificat d'existence» à retourner signé et tamponné par une autorité locale.
Pour effectuer des contrôles sur place, la Cnav souhaite passer des conventions avec des assureurs locaux agréés par les consulats. Un test doit être lancé en Tunisie, où 31.000 retraités bénéficient de pensions Cnav…On ne sait combien de centenaires…
Moi, je vous laisse lire…sachant que la fraude augmente et que nous n’avons pas de rapport depuis 2010 ???
Le figaro.fr économique
Retraite :
47,5 millions d'euros de fraudes évités
- Marc Landré
- Publié le 09/06/2011 à 21:36
Les effectifs de l'Assurance-vieillesse dédiés à la
détection de la triche ont plus que doublé depuis 2008.
Un bond de 87% en un an. Les fraudes aux pensions
détectées par le régime général de retraite (Cnav) se sont montées à
47,5 millions d'euros l'an dernier, contre 25,4 millions en 2009.
Attention, cette somme n'inclut «que» 10 millions de «préjudices
constatés», soit des fraudes (à la carrière, aux ressources, à l'état civil…)
ayant entraîné le versement de sommes indues. Ce chiffre a toutefois triplé en
un an. Quarante pour cent des dossiers détectés concernaient des omissions de
déclaration, 40% des fausses déclarations et 20% des faux documents. La Cnav
refuse de préciser combien elle a récupéré sur ce montant.
Le reste, autrement dit la vaste majorité des sommes
en jeu, correspond à des «préjudices évités», c'est-à-dire à des sommes qui
auraient été versées au cours des années à venir (pendant toute la retraite des
fraudeurs), si la triche n'avait pas été découverte. Soit 28 millions
d'euros sur des «prestations en cours de paiement» et 9 millions sur des
«prestations non encore versées». «Cela ne veut pas dire qu'il y a eu une
explosion des fraudes en un an, mais simplement que l'on en détecte plus»,
explique Pierre Mayeur, directeur de la Cnav.
539 centenaires algériens
La caisse a, depuis trois ans, mis les moyens de lutte
contre la fraude, décrétée «priorité nationale» par l'État. Les effectifs
dédiés représentent 75 temps pleins, contre une trentaine en 2008. Le
budget consacré a presque doublé, à 4,9 millions d'euros. Un coût
«largement compensé par les 47,5 millions gagnés sur la fraude». Pierre
Mayeur a profité de l'occasion pour démentir l'existence d'une foule de
centenaires «fictifs» retraités en Algérie. Contrairement à la rumeur qui court
sur Internet, ils ne sont que 539 centenaires à toucher une pension Cnav dans
ce pays. Mais le directeur confirme que le contrôle est plus difficile à
effectuer hors de France; 1,2 million de personnes résidant à l'étranger
touchent une pension de la Cnav.
Pour vérifier qu'elles sont bien en vie, le régime
leur envoie plusieurs fois par an un «certificat d'existence» à retourner signé
et tamponné par une autorité locale. Pour effectuer des contrôles sur place, la
Cnav souhaite passer des conventions avec des assureurs locaux agréés par les
consulats. Un test doit être lancé à la rentrée en Tunisie, où 31.000 retraités
bénéficient de pensions Cnav.
Retraite : 47,5 millions d'euros
de fraudes évités.
Assemblée Nationale |
Commission
des affaires sociales
Commission
des affaires sociales
Mission
d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale
Présidence de M. Jean Mallot et
M. Pierre Morange, coprésidents
– Mme Rolande Ruellan,
présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, et M. Laurent
Rabaté, conseiller maître : présentation de la communication de la Cour
des comptes à la MECSS sur la lutte contre les fraudes aux prestations dans les
branches prestataires du régime général
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES MISSION D’ÉVALUATION ET DE
CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Conclusion du rapport intégral ci-joint de Mme Rolande Ruellan, Présidente de la sixième
chambre de la Cour des comptes.
Mme Rolande Ruellan. Les caisses ont
d’ores et déjà l’obligation d’établir des plans de lutte contre la fraude. Il
reste évidemment à les appliquer. Je ne pense pas qu’on puisse dire qu’il n’y a
pas de pilote ; la prise de conscience est réelle au niveau national et
doit maintenant irriguer l’ensemble du réseau. Et il faut que chaque agent soit
vigilant ; même si de nombreuses procédures sont désormais informatisées,
l’intuition et l’expérience gardent toute leur importance dans le traitement
des dossiers les plus compliqués.
La vérification de la condition
d’isolement a toujours posé de gros problèmes aux caisses. Nous faisons état
dans notre rapport des différents moyens de la contrôler ; ce peut être
l’envoi sur place d’agents assermentés, ou encore le recoupement des
informations des caisses avec celles d’autres administrations. Les comités
locaux de lutte contre la fraude permettent cette mise en commun d’informations,
en même temps que la réalisation d’actions communes. Des groupes de travail
essaient, sur des sujets particuliers, de trouver les meilleures solutions pour
éviter la fraude.
Il faudrait aussi que les caisses
utilisent mieux les données dont elles disposent et soient plus actives face à
certaines anomalies statistiques. Notre rapport cite par exemple l’étonnante
longévité des ressortissants algériens bénéficiant d’une retraite française en
Algérie : le nombre de pensionnés centenaires, selon les chiffres de la
direction de la sécurité sociale, serait supérieur au nombre de centenaires
recensés par le système statistique algérien… Certes il est difficile d’aller
contrôler dans le monde entier s’il y a « fraude à l’existence » des
pensionnés auxquels est servie une retraite française, mais il est néanmoins
possible d’agir.
En ce qui concerne les différentes
pratiques évoquées par M. Jean-Luc Préel au sujet de l’Assurance maladie,
nous avons observé de la part de la Caisse nationale d’assurance maladie une
très grande mansuétude à l’égard des professionnels de santé, alors que les
textes prévoient qu’en cas de non-respect des règles de tarification ou de
facturation, le professionnel ou l’établissement peut être contraint au
remboursement de l’indu dont il est responsable. Cette indulgence vise
peut-être à préserver de bonnes relations conventionnelles entre les caisses et
les syndicats de médecins. Les tableaux figurant dans notre rapport montrent
pourtant qu’il est beaucoup plus rentable de poursuivre les fraudes et abus des
professionnels de santé que de s’attaquer à ceux des assurés. Les difficultés
tiennent souvent aux problèmes de frontières ; je pense au cas de ce
médecin de Seine-Saint-Denis, le docteur Poupardin, qui a récemment fait parler
de lui dans la presse en revendiquant ouvertement son choix de ne pas respecter
l’ordonnancier bizone, afin que ses patients modestes puissent bénéficier d’une
prise en charge à 100 %.
Jeudi 1er juillet 2010
La séance est ouverte à neuf heures.
(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre
Morange, coprésidents de la mission)
La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de
financement de la sécurité sociale (MECSS) procède à l’audition, ouverte à la
presse, de Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la
Cour des comptes, et de M. Laurent Rabaté, conseiller maître.
M. le coprésident Jean Mallot. La Mission d’évaluation et de
contrôle des lois de financement de la sécurité sociale engage ce matin ses
travaux sur un nouveau thème : la lutte contre la fraude sociale. Il nous
a paru opportun de les commencer en invitant la Cour des comptes à nous
présenter ceux qu’elle a pu réaliser sur le sujet, notamment à notre demande –
à laquelle elle a répondu en nous adressant une communication. Nous avons donc
le plaisir d’accueillir Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième
chambre de la Cour des comptes, et M. Laurent Rabaté, conseiller maître,
que je remercie de leur présence.
Notre rapporteur sur ce thème important, sensible et
assez médiatisé, sur lequel il faudra à la fois améliorer nos informations et
dissiper quelques idées fausses, sera notre collègue M. Dominique Tian.
Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième
chambre de la Cour des comptes. Nous avions décidé de faire ce travail avant même que
vous ne nous le demandiez, précisément parce que nous étions un peu exaspérés
d’entendre que, si l’on éradiquait la fraude, la sécurité sociale n’aurait plus
de problèmes. C’était certes avant la crise, et les déficits à combler étaient
inférieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui. Il reste que la fraude sociale
est un sujet important, non seulement en raison de ses conséquences
financières, mais aussi parce qu’elle va à l’encontre de l’équité.
La communication que vous nous aviez demandée il y a
déjà longtemps vous a été remise en avril dernier. Ce délai nous a permis
d’intégrer les premiers effets de la politique volontariste menée depuis
quelques années en matière de lutte contre la fraude.
Avec votre accord, nous avons circonscrit le champ de
notre enquête à la fraude aux prestations dans le régime général. En effet,
lorsque nous avons commencé ces travaux en 2008, le rapport du Conseil des
prélèvements obligatoires relatif à la fraude aux prélèvements était
relativement récent. Par ailleurs, une étude sur la fraude en matière
d’assurance chômage a été publiée en février dernier dans le dernier rapport
public annuel de la cour.
Notre bilan est en demi-teinte. La cour, qu’on accuse
parfois de ne relever que ce qui est négatif, a souhaité mettre aussi en
évidence les progrès réalisés en matière de lutte contre la fraude.
Le Comité de lutte contre la fraude créé en 2006 avait
un champ d’action circonscrit à la protection sociale. S’ensuivit la lettre de
mission du Président de la République et du Premier ministre visant à
l’établissement d’un plan de lutte contre toutes les fraudes et pratiques
abusives portant atteinte aux finances publiques ; il y était précisé que
les enjeux les plus importants se trouvaient certainement dans les fraudes aux
prélèvements. Puis fut instituée la délégation nationale à la lutte contre la fraude,
par décret du 18 avril 2008. Celle-ci n’existait donc pas encore lorsque
nous avons commencé nos travaux mais nous avons pu voir dans un deuxième temps
comment, grâce à elle, la situation avait progressé.
Cette impulsion politique s’est également traduite dans
les conventions d’objectifs et de gestion (COG), signées entre l’État et chaque
caisse nationale de sécurité sociale. La troisième génération de COG comportait
déjà quelques éléments nouveaux ; mais c’est surtout la quatrième
génération – les conventions signées depuis l’année dernière – qui marque la
volonté de mieux détecter, mieux évaluer, mieux sanctionner et aussi mieux
prévenir les fraudes. Au-delà de ces bonnes intentions, tout réside bien sûr
dans la force des objectifs et dans celle des indicateurs permettant de suivre
leur réalisation ; or nous avons observé que ces objectifs manquaient
d’ambition, étant parfois en deçà des résultats déjà obtenus – mais ce n’est
pas seulement en matière de la lutte contre la fraude que nous avons constaté
ce phénomène.
Quoi qu’il en soit, les caisses se sont engagées à
affecter des moyens à cette lutte, preuve de leur investissement en ce domaine.
Elles nous disent cependant que, la première de leurs priorités demeurant de
servir les prestations, et à un moment où on leur demande de limiter leurs
effectifs, elles auraient bien du mal à affecter des personnels supplémentaires
à la lutte contre la fraude. Il reste que toutes doivent maintenant élaborer
des plans annuels de lutte contre la fraude aux prestations. Par ailleurs, dans
le cadre de la certification des comptes, nous avons pu observer que les plans
de contrôle interne s’améliorent et comportent tous des volets anti-fraude.
Mais les organismes sont soumis à des pressions
contradictoires – et notamment à la volonté politique de simplifier les
procédures et les formalités administratives imposées aux citoyens. Ainsi, un
décret de 2000 a supprimé la fiche d’état civil, assoupli la procédure de
fourniture de justificatifs et admis les photocopies – plus faciles à
falsifier.
Le rapport donne l’exemple de la fraude au départ
anticipé à la retraite : des personnes se sont efforcées de faire valider
des trimestres en produisant des pièces justificatives plus que légères et en
faisant appel à des témoins qui, parfois, n’étaient pas nés au moment où elles
étaient censées travailler… Des agents des caisses ont été impliqués dans cette
affaire, les procédures sont en cours ; depuis, le système a été durci.
Quant aux déclarations sur l’honneur, elles ont
longtemps été considérées comme un grand progrès simplifiant la vie des
assurés, mais elles comportent des risques : on évalue à 40 à 50 % la
part des fraudes qui proviennent de la production de fausses pièces ou de
fausses déclarations.
Les textes ont certes été modifiés et permettent,
depuis la loi de financement pour 2006, de suspendre le paiement des
prestations dès lors que l’on soupçonne une fraude et que les pièces ne
paraissent pas suffisamment probantes. Mais il n’est pas aisé pour les
organismes de recourir à ce moyen.
Nous avons constaté que la situation était très
variable d’une branche à l’autre. Les fraudes en matière de retraites sont – ou
en tout cas étaient – certainement moins nombreuses, en raison du processus
d’alimentation du compte individuel, souvent de manière automatisée, et d’assez
nombreux contrôles jusqu’à la liquidation de la retraite. Mais s’il y a
fraude, elle peut être très coûteuse, dans la mesure où la pension est viagère.
Dans la branche Maladie, les fraudes sont plus ponctuelles – sauf lorsqu’il
s’agit de fraude « industrielle », c’est-à-dire de détournements
organisés – mais les risques sont plus diffus, la gamme des prestations étant
très vaste. Enfin, c’est dans la branche Famille, qui sert des prestations sous
conditions de ressources à des familles souvent fragiles, que se trouvent les
risques les plus importants.
Nous avons également fait le recensement des
dispositions que vous avez votées. La loi de 2004 sur l’assurance maladie a
donné aux caisses d’assurance maladie le pouvoir d’infliger des sanctions
administratives aux fraudeurs, ce qui est extrêmement important. Ensuite, les
lois de financement successives, à partir de 2006, ont toutes comporté des
dispositions relatives à la lutte contre la fraude, celle-ci faisant, depuis
2008, l’objet d’un titre spécial ; le code de la sécurité sociale lui-même
comprend un chapitre spécialisé. Au total, nous avons compté une trentaine
d’articles ; nous nous sommes demandé si ce n’était pas un peu trop, mais
ces articles se modifiant souvent les uns les autres, on n’arrive pas à trente
dispositifs différents. Le problème est que la mise en œuvre de ces
dispositions suppose des décrets et circulaires ainsi que des processus
informatisés, voire un passage devant la Commission nationale de l’informatique
et des libertés (CNIL), ce qui peut prendre du temps. Nous avons formulé dans
notre rapport le souhait d’un suivi plus fin de la mise en œuvre de toutes ces
dispositions.
Les sanctions ont été diversifiées. Après l’assurance
maladie, les autres branches ont également été autorisées par la loi à infliger
des pénalités administratives. Les sanctions pénales sont limitées en nombre,
les procédures étant très longues, et les parquets classent très souvent les
affaires ; or ce qui compte, c’est la rapidité de réaction.
La réforme de la loi « informatique et
libertés », en 2004, a également été favorable à la lutte contre la
fraude. Je me rappelle l’époque où l’on n’avait pas le droit de constituer un
fichier d’assurés sociaux : en 1982, pour les seules élections organisées
à la sécurité sociale, il avait fallu créer de toutes pièces un fichier
électoral, que la CNIL nous a obligés à supprimer ensuite. Ce fichier d’assurés
sociaux aurait pourtant été bien pratique car, à l’époque, on savait déjà que
des gens pouvaient être inscrits dans plusieurs caisses primaires et recevoir
des prestations à plusieurs endroits. Du chemin a été parcouru depuis.
Dans la branche Famille, tout d’abord, le répertoire
national des bénéficiaires, qui est enfin opérationnel, a contribué à nous
permettre de certifier, pour la première fois, les comptes de la branche.
Jusque là, faute de répertoire, il était possible de recevoir des prestations
familiales de plusieurs caisses d’allocations familiales.
La levée du secret professionnel a constitué une autre
avancée importante, mais nous avons constaté certaines réticences de la part
des organismes : face à de multiples textes définissant les cas précis de
levée du secret professionnel, ils ont peur d’être en infraction et sont un peu
frileux. Peut-être faudrait-il aller vers des dispositions plus générales,
précisant néanmoins, bien sûr, les finalités poursuivies.
Les moyens informatiques doivent évidemment aider
fortement à lutter contre la fraude. Grâce à ceux dont nous disposons actuellement,
il a été possible de créer les fichiers dont je viens de parler. Les caisses
peuvent non seulement interroger les administrations pour obtenir des
informations, mais aussi échanger directement avec elles. C’est ainsi que
la branche Famille reçoit directement de la Direction générale des finances
publiques les données sur les ressources des familles ; celles-ci ne sont
donc plus obligées de remplir deux déclarations, et l’on ne risque plus de
constater de divergence entre la déclaration au fisc et la déclaration à la
caisse d’allocations familiales – ce qui générait chaque année un grand nombre
d’indus.
Pour autant, tout n’est pas idyllique. Le dispositif
est complexe, la CNIL fait peur et les organismes craignent toujours d’être en
infraction. On a l’impression qu’ils ne savent jamais très bien s’ils sont dans
une procédure de demande d’avis, d’avis tacite, d’autorisation tacite ou
d’autorisation expresse. Les caisses s’abriteraient-elles derrière la CNIL pour
ne pas avancer ? Le problème vient-il du flou qui entoure les exigences de
la CNIL ? Sans doute y a-t-il un peu des deux. Quoi qu’il en soit, il
serait bon que, sous l’égide de la direction de la sécurité sociale ou de la
délégation nationale à la lutte contre la fraude, un point soit fait périodiquement
avec la CNIL sur les demandes des caisses, afin de dissiper les malentendus.
La lutte contre la fraude passe aussi, bien sûr, par
des moyens humains. La Délégation nationale à la lutte contre la fraude est un
outil puissant, permettant de mettre en relation des administrations et des
organismes qui, spontanément, ne travailleraient peut-être pas ensemble. Les
comités locaux, qu’un texte récent a généralisés dans les départements, avec
des groupes de travail spécialisés, jouent un rôle notable. Toutes les caisses
nationales ont créé un service dédié pour piloter le dispositif et tenter
d’entraîner l’ensemble du réseau dans la démarche. Mais dans les caisses
locales, du fait des différences de taille, de la diversité des modes
d’organisation et de la tradition de non-intervention des caisses nationales,
il est plus difficile de savoir qui se consacre à la lutte contre la fraude.
Seuls les gros organismes peuvent avoir des référents dédiés ; il reste
que normalement, tous les personnels des caisses devraient avoir le souci de
débusquer les fraudes et d’alerter en cas de suspicion.
Après avoir examiné les moyens de la lutte contre la
fraude, nous nous sommes interrogés sur l’ampleur des fraudes potentielles, en
nous demandant si les caisses s’étaient préoccupées de l’évaluer, sachant
qu’elles communiquent sur la fraude détectée, ce qui peut avoir un effet
préventif, mais qu’il serait intéressant d’en savoir plus.
Seule la branche Famille a commencé à mettre en place
une procédure d’évaluation, sur la base d’un échantillon représentatif. Cette
procédure a permis d’évaluer la fraude à un peu plus de 1 %, ce qui, par
extrapolation, représenterait 675 millions d’euros pour l’ensemble de la
branche. Mais il ne s’agit pas du montant du préjudice financier puisque,
lorsque les fraudes sont détectées, on tente de récupérer les indus – même s’il
n’est pas toujours facile de le faire lorsqu’il s’agit de personnes fragiles.
Pour le moment, les autres branches n’ont pas encore
mis en place de procédure analogue. Le 14 juin, la Caisse nationale
d’assurance vieillesse a annoncé avoir constaté le versement de
3,3 millions de prestations indues en 2009, soit 22 % de plus qu’en
2008, mais ce faisant, elle a surtout voulu montrer ses progrès dans la détection
des fraudes. De la même façon, la branche Maladie communique sur la fraude
détectée, mais cela ne permet pas d’avoir un ordre de grandeur de la fraude
réelle. Cependant les caisses ont bien compris qu’elles vont devoir faire des
efforts en ce domaine, comme le leur imposent les conventions d’objectifs et de
gestion.
Au total, nous considérons que beaucoup de progrès ont
été faits. L’existence d’un dispositif juridique et de capacités techniques,
associée à une sensibilisation accrue, permet de passer au stade du chiffrage
du vrai risque de fraude.
Encore faut-il, cependant, s’entendre sur ce qu’est la
fraude. Dans les branches Famille et Vieillesse, on s’en tient essentiellement
à cette notion, mais dans la branche Maladie on utilise aussi celles d’abus,
d’erreur, de faute, entre lesquelles les frontières sont poreuses. Et les
caisses adoptent souvent des modalités de comptage qui leur sont
propres : ainsi dans la branche Vieillesse, on calcule la « fraude
évitée » – la détection d’une fraude permettant d’éviter le service de la
prestation indue pendant les années restant jusqu’au décès de la personne.
Pour approcher d’un peu plus près la réalité de
la fraude, une bonne solution serait de sélectionner les organismes les plus
diligents en matière de détection de fraudes et de procéder par extrapolation à
l’ensemble du réseau.
M. le coprésident Pierre Morange. Sur les 675 millions d’euros
que pourrait représenter la fraude dans la branche Famille, nous
avez-vous dit, avez-vous une estimation du montant récupéré ?
M. Laurent Rabaté, conseiller maître à la Cour des
comptes. Dans la
branche Famille, les taux de récupération des indus sont traditionnellement
assez élevés car, le plus souvent, la récupération se fait sur les prestations
– ils sont de l’ordre de 80 %. Mais sur les 675 millions, le
préjudice est d’environ 170 millions, une part étant en admission en
non-valeur et une part étant prescrite.
Mme Rolande Ruellan. La branche Famille a tendance à
traiter les indus frauduleux comme les autres indus. De ce fait, il n’y a pas
de réelle différence de procédure, même si en principe le délai de prescription
n’est pas le même dans les deux cas.
Dans la branche Maladie, le fait que les frontières ne
soient pas nettes entre fraude, abus et faute s’explique sans doute par le fait
que face aux caisses, il y a non seulement les assurés, mais aussi les
professionnels de santé. Il n’est pas toujours facile d’apprécier le
comportement des uns et des autres et de savoir s’il est frauduleux ou si l’on
a « optimisé » les imprécisions ou les failles de la réglementation.
Dans la branche Famille, et le rapport en donne de
nombreux exemples, le principe était de considérer les bénéficiaires comme
insoupçonnables. Il fallait que la qualification pénale puisse être établie
pour que l’on admette qu’il y avait fraude. Les choses sont en train
d’évoluer ; la Caisse nationale des allocations familiales rappelle
aujourd’hui que ce critère pénal n’est pas le bon.
On nous a dit, et nous y avons été sensibles, que la
réglementation, par sa complexité et ses caractéristiques, prêtait à la fraude,
ou en tout cas rendait le contrôle difficile. On pense bien sûr à la condition
d’ « isolement » sur laquelle repose le bénéfice de certaines
prestations familiales. Pose également problème le fait que les conditions de
ressources soient définies différemment d’une prestation à l’autre, ce qui ne
simplifie ni la compréhension des assurés ni les contrôles des organismes. Sans
doute y a-t-il là un peu de nettoyage à faire.
Bref, il faudrait aussi que l’on arrive à une définition
plus opérationnelle de la fraude, dans laquelle l’ensemble des caisses se
retrouverait plus aisément.
Enfin, nous avons cherché à savoir comment ce qui se
faisait au niveau national se traduisait au niveau des caisses locales.
À cet égard, nous avons constaté que les caisses
nationales ont encore un rôle de coordination et d’impulsion insuffisant,
malgré tous les outils qui sont maintenant en place. Elles restent dans l’idée
qu’elles ne doivent pas attenter à l’autonomie de gestion des organismes de
leur réseau. Or le fait de récupérer l’information au niveau national, de la
traiter, de faire redescendre ensuite les bonnes pratiques, d’évaluer et de
comparer les performances des caisses locales pourrait avoir un effet
d’aiguillon. En ce domaine, les caisses nationales sont encore trop timides. Le
rapport donne un exemple d’absence d’exploitation et de diffusion de bonnes
pratiques : l’affaire du Subutex, à Toulouse, où la caisse a décidé, pour
éviter le trafic, qu’elle ne rembourserait ce produit que s’il était, pour une
même personne, prescrit par le même médecin et délivré dans la même pharmacie.
Pourquoi n’a-t-on pas assuré la diffusion de cette bonne pratique dans
l’ensemble du réseau, alors que son effet a été notable ? L’accompagnement
des caisses locales, donc, est encore insuffisant.
Les actions de prévention sont certainement, elles
aussi, insuffisantes, notamment au niveau de la communication.
C’est d’abord le cas dans la communication interne.
Les agents sont considérés, par définition, comme insoupçonnables ; or on
a vu, dans la branche Vieillesse, que le désir de partir très vite à la
retraite avait pu être plus fort que la déontologie. La communication interne
existe néanmoins, et quelques efforts sont faits – même si ce n’est pas toujours
facile : il faut essayer d’éviter qu’une personne liquide sa propre
retraite ou celle de son conjoint, mais on ne connaît pas toujours les liens de
parenté ou d’amitié qui peuvent exister.
Quant à la communication externe, à destination du
public, elle est diverse. La publicité d’une condamnation est une peine
supplémentaire qui doit être prononcée par le juge – les caisses ne peuvent pas
décider d’elles-mêmes de publier dans les journaux le nom des fraudeurs. En
revanche, elles pourraient afficher dans les locaux des caisses, dans un but
préventif, une liste anonyme des sanctions infligées. Cela commence à se faire,
mais il faudrait développer cette pratique.
Nous nous sommes penchés aussi sur la question des
dénonciations et de l’exploitation des signalements. Dans les pays
anglo-saxons, la dénonciation est encouragée et parfois même rémunérée, mais en
France, on n’aime pas la délation, surtout s’il s’agit d’une dénonciation
anonyme. Tout dépend, en fait, de la culture de l’équipe de direction ou des
agents. La situation commence à progresser, mais globalement ces dénonciations
devraient être mieux exploitées.
Nous avons par ailleurs regretté qu’il n’existe pas de
fichier des fraudes constatées. Nous donnons dans le rapport des exemples,
certes anciens et un peu caricaturaux, mais parlants : une personne peut
avoir à un endroit un comportement réellement frauduleux, éventuellement
passible de condamnation pénale, puis changer de région et recommencer… Sans
doute les caisses nationales n’ont-elles pas le droit de constituer ce genre de
fichiers, mais il faudrait examiner les moyens de réunir de telles données.
Nous appelons par ailleurs l’attention sur le fait
qu’une chose est de détecter une fraude, mais qu’une autre est de la
poursuivre. Les poursuites peuvent demander des compétences juridiques et des
capacités proches de celles d’un juge d’instruction ; bien souvent, les
petits organismes ne savent pas comment procéder sans risquer d’être contestés
devant le tribunal.
S’agissant des sanctions, les caisses ont parfois
tendance à considérer que récupérer les indus suffit. Or si l’on s’en contente,
la fraude ne coûtera rien de plus à celui qui l’a commise que s’il n’avait pas
cherché à frauder. Les sanctions que la loi a permis de prononcer sont encore très
peu utilisées par les caisses, et c’est dommage. Pour beaucoup de fraudes, les
sanctions administratives sont beaucoup plus rapides et mieux adaptées que les
sanctions pénales.
En conclusion, notre constat est, comme je le disais,
en demi-teinte : il y a des progrès, notamment au niveau national, dans la
prise de conscience et dans les outils, mais l’appropriation de ces derniers
est un peu lente. Elle progresse néanmoins, et les caisses communiquent sur la
fraude plus qu’on aurait pu l’imaginer il y a quelques années ; il faut
espérer qu’elles ne se contenteront pas de le faire sur les fraudes détectées,
mais qu’elles iront plus loin dans l’évaluation, la sanction et la prévention
de la fraude. Mais la prévention ne dépend pas que d’elles : il faut aussi
que les textes ne soient pas des « pièges à fraudes ».
M. le coprésident Pierre Morange. Merci d’avoir évoqué les travaux
législatifs sur l’interconnexion des fichiers. Mais avez-vous le sentiment que
les systèmes informatiques des caisses sont suffisamment élaborés, suffisamment
opérationnels, compte tenu des objectifs fixés dans les conventions d’objectifs
et de gestion ?
M. le rapporteur. Je crois que des retards sont
annoncés, notamment à la Caisse nationale d’assurance maladie.
M. le coprésident Pierre Morange. En 2004, la précédente convention
d’objectifs et de gestion prévoyait que le système serait opérationnel en
2009-2010. Or on nous a dit qu’il faudrait plutôt attendre 2013. Avez-vous fait
le même constat ?
Mme Rolande Ruellan. Le décret relatif à cet échange de
données venant d’être publié, nous n’avons pas encore audité les caisses sur ce
point. La mise en œuvre du dispositif ne devrait pas être trop complexe,
puisqu’il s’agit simplement de répertorier les prestations auquel un même
assuré a droit.
M. le coprésident Jean Mallot. L’exposé très complet que vous
venez de faire sur la base de la communication que la cour nous a transmise
nous permet de démarrer nos travaux. Lors de nos échanges préalables, nous
avons bien sûr noté la nécessité de bien faire la distinction non seulement
entre les fraudes sur les prélèvements et les fraudes sur les
prestations, mais aussi entre ce qui relève respectivement de la fraude, des
abus, des erreurs et des dysfonctionnements, et enfin, s’agissant des actions
menées, entre la prévention de la fraude et sa sanction. Les éléments que vous
venez de nous exposer nous permettent d’avancer dans ces distinctions, en
évitant les amalgames. Avez-vous des éléments chiffrés qui nous permettent de
mesurer le poids de ces différentes réalités, et par voie de conséquence
d’adapter les outils ?
Mme Rolande Ruellan. Dans le cadre de la certification,
nous déterminons le taux d’erreur dans les branches Maladie et Vieillesse. En
ce qui concerne la fraude, en revanche, nous ne disposons pas d’autres éléments
que ceux que nous vous avons indiqués ; nous avons beaucoup hésité à
avancer un chiffrage, mais nous arrivons aux alentours de 1 % des
dépenses, tant dans la branche Famille que dans la branche Maladie. Certains
pensent que la fraude est infiniment supérieure ; c’est peut-être le cas,
mais nous n’avons pas d’éléments pour le dire. L’évaluation est d’autant plus
difficile que les caisses peuvent requalifier une fraude. Dans la branche
Maladie, par exemple, un comportement a priori frauduleux comme la mauvaise
utilisation de l’ordonnancier bizone, s’il est très répandu, devient une erreur
ou un abus. Les textes eux-mêmes sont flous ; le plan gouvernemental
visait à la fois les fraudes et les abus. La fraude se définit comme la violation
intentionnelle d’un texte, mais pour les caisses, il est très difficile de
démontrer le caractère intentionnel de la violation. C’est le problème,
également bien connu du fisc, de la bonne foi. Si celle-ci est établie, on se
contentera de récupérer l’indu, la pénalité ne s’appliquant qu’en cas
d’intention délibérée de ne pas respecter les textes.
M. Laurent Rabaté. Le référentiel nécessaire pour
qualifier les comportements observés n’existe que depuis mars 2010 pour la
branche Vieillesse, celui de la branche Famille est en cours de diffusion et la
réflexion n’est qu’entamée pour la branche Maladie. Tant que nous ne disposons
pas de ces référentiels, il nous est difficile de procéder à un chiffrage
distinguant les différentes notions. Cependant nous sommes à même de mesurer
les erreurs, dans le cadre de la certification des comptes sociaux ; le
taux d’erreurs important a d’ailleurs été longtemps l’un des motifs du refus de
certifier les comptes de la branche Famille. Quant à la fraude, nous considérons
qu’il est possible de la caractériser sans distinctions trop raffinées,
l’objectif étant que toute fraude soit sanctionnée.
M. le coprésident Pierre Morange. La France est en retard dans
la construction de ces référentiels. Les travaux de nos amis anglo-saxons ont
servi de base à une estimation – qu’il faut certes manier avec beaucoup de
prudence –, selon laquelle la fraude atteindrait 12 à 15 milliards
d’euros.
M. le rapporteur. L’estimation de la Cour des
comptes est plus basse, puisqu’elle est de 3 milliards d’euros environ.
C’est déjà beaucoup !
M. Laurent Rabaté. Le chiffrage du Conseil d’analyse
stratégique, obtenu en extrapolant les données britanniques, est plus que
fragile, étant donné la différence entre les deux systèmes sociaux. Les
prestations anglaises sont davantage soumises à des conditions de ressources.
La transposition n’a pas vraiment de sens.
Quant au taux de 1 % de fraude – correspondant
aux 3 milliards –, il doit encore être confirmé pour la branche Famille,
mais il paraît assez fondé pour les autres branches. La branche Maladie
commence à avancer quelques évaluations à partir des données des caisses
locales. En tout état de cause, il semble que le niveau de fraude soit
inférieur à celui de la Grande-Bretagne, où d’ailleurs les premières évaluations
ont été assez fortement remises en cause – à la baisse – par le National Audit
Office.
M. le rapporteur. Ce qui est gênant, c’est qu’on ne
sait pas quelles méthodes statistiques sont utilisées. Ainsi les caisses
d’allocations familiales qui, il y a un an, estimaient le montant de la fraude
à 90 millions d’euros, parlent aujourd’hui d’un montant situé entre 650 et
900 millions d’euros sur la base d’une analyse de 10 000 dossiers. Je
lisais hier dans la presse que, à la suite de la demande du Président de la
République, la Caisse nationale d’assurance maladie évaluait à 2 milliards
d’euros les économies qui pourraient être réalisées, allant même jusqu’à
évoquer des « spécialités régionales ». Tout le monde sait pourtant
depuis des années que ces différences entre les régions existent… Le sentiment
général de malaise s’accentue quand on entend parler d’un taux de fraude à la
retraite anticipée qui atteindrait 50 % ! Dans ces conditions, on ne
peut que remettre en cause l’organisation même du système, se demander s’il y a
un pilote dans l’avion et constater qu’il y a eu des complicités internes. Un
guide des bonnes pratiques ne devrait-il pas être établi d’urgence ?
Ne pourrait-on s’inspirer de pays européens plus efficaces, tels que la
Belgique, qui est en avance dans le stockage des données individuelles ?
Ne constatez-vous pas, de la part des organismes sociaux, notamment la Caisse
nationale d’assurance maladie, la volonté de ne pas partager l’information,
ainsi que de s’affranchir d’obligations simples qui, souvent, suffiraient à
endiguer la fraude ? À l’occasion de la mission d’information sur les
moyens de contrôle de l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans
l’industrie et le commerce (UNEDIC) et des associations pour l’emploi dans
l’industrie et le commerce (ASSEDIC), j’avais observé que la simple
vérification des pièces d’identité aurait permis d’éviter 95 % des
fraudes.
Enfin, j’aimerais avoir votre sentiment sur le serpent
de mer de la carte Vitale sécurisée. La possibilité de vérifier l’identité et
l’établissement d’un dossier médical personnel ne seraient-ils pas le moyen
d’empêcher un grand nombre de fraudes ?
Mme Rolande Ruellan. Notre pays part de loin :
jusqu’à une période récente, il n’était pas concevable que les assurés sociaux
soient des fraudeurs. Telle était la culture des organismes sociaux, du fait de
la composition de leurs conseils d’administration.
Les choses évoluent doucement. Les progrès se
constatent notamment sur le plan organisationnel : désormais, toutes les
caisses nationales ont créé une structure dédiée à la lutte contre la
fraude ; mais elles doivent maintenant se montrer plus dynamiques dans la
mobilisation du réseau des caisses locales. On peut regretter le manque
d’incitation des agents à la lutte contre la fraude, le calcul des primes
d’intéressement des personnels ne tenant pas compte de cet élément. La délégation
nationale à la lutte contre la fraude et la direction de la sécurité sociale
devraient encourager les caisses nationales à mettre les caisses locales sous
tension.
Reste le problème des textes. Ce sont les pouvoirs
publics qui ont imposé la procédure de la déclaration sur l’honneur, dont les
agents connaissaient les risques. Ainsi dans le cas de la retraite anticipée,
la présence physique des témoins n’était pas exigée. En acceptant une simple
déclaration sur l’honneur, les personnels des caisses n’étaient donc pas en
infraction par rapport à ce qui leur avait été demandé. Depuis, des circulaires
ont durci la procédure. Il y a eu un rapport de l’Inspection générale des
affaires sociales et de l’Inspection générale des finances – non public – sur
le sujet.
M. le rapporteur. Il y a quand même eu des agents mis
en examen…
Mme Rolande Ruellan. Oui, pour les cas de fraude interne
– tellement facile qu’il était tentant d’en profiter, pour soi ou pour ses
proches. Pour le reste, la Caisse nationale d’assurance vieillesse avait très
vite signalé que le dispositif était une vraie passoire, mais l’administration
a tardé à le durcir ; c’est l’une des observations que nous avons
formulées l’année dernière dans le rapport de certification.
M. Laurent Rabaté. La procédure de certification des
comptes a contribué à faire progresser très significativement le contrôle
interne, notamment par le déploiement de référentiels nationaux. Désormais, la
plupart des faiblesses apparaissent : ainsi l’insuffisance du dispositif
de retraite anticipée avait bien été détectée. On ne peut cependant pas encore
garantir, s’agissant notamment de la branche Vieillesse, que toutes les
procédures sont pleinement appliquées ; mais il ne faut pas considérer que
le système est une passoire et que les risques sont très importants.
S’agissant de la fraude à l’identité, et au-delà du
problème de la carte SESAM-Vitale, sur lequel la Cour s’est déjà exprimée, il
faut signaler l’importance du chantier de l’AGDREF (Application de gestion des
dossiers des ressortissants étrangers en France), qui a mis beaucoup de temps à
démarrer – la CNIL n’a d’ailleurs pas encore donné toutes les autorisations. En
permettant d’interroger les fichiers nationaux quand il y a un doute sur
l’identité des demandeurs de prestations, ce dispositif constituera un élément
de sécurisation très utile.
Mme Rolande Ruellan. Ce chantier a été lancé en 1993,
quand la loi a fait obligation aux caisses de vérifier la régularité du séjour
en France des étrangers demandeurs, non seulement au moment de leur
affiliation, mais également au moment du versement des prestations, ce qui est
impossible sans accéder au fichier du ministère de l’intérieur. Je me souviens
que les personnels des caisses trouvaient alors scandaleux de se faire ainsi
les auxiliaires de la police.
Actuellement, le principal blocage vient de ce que les
caisses ne souhaitent pas que les informations dont elles disposent aillent au
ministère de l’intérieur et puissent servir à la police. S’il arrive que des
caisses signalent des faits au procureur de la République, la plupart des
agents considèrent qu’il est absolument scandaleux d’aller dénoncer un assuré
social à la police.
Ce dont la Caisse nationale d’assurance maladie a fait
état il y a quelques jours ne relève pas à proprement parler de la
fraude : la prescription et la consommation de soins diffèrent très
fortement d’une région à l’autre, d’une ville à une autre, voire d’un
établissement à un autre. Le phénomène est ancien et bien connu de la Caisse
nationale d’assurance maladie. Pour juguler la croissance des dépenses, il faut
dans ce cas agir sur les comportements, ce qui passe par la définition de
référentiels et de recommandations de bonnes pratiques et par un contrôle de
leur respect – sans encadrer à l’excès la liberté de prescription des médecins.
M. Jean-Luc Préel. Il est indispensable de lutter
contre la fraude, ne serait-ce qu’au titre de la solidarité, le fraudeur
pénalisant l’ensemble des assurés sociaux ; mais penser qu’on résoudra
ainsi les problèmes financiers de notre protection sociale est un pur fantasme.
Comme cela a été dit, la fraude ne représenterait que 1 % des dépenses de
sécurité sociale ; et la nature humaine étant ce qu’elle est, il est vain
de penser qu’on l’éradiquera un jour. Par ailleurs, il faut distinguer la
volonté délibérée de violer la règle et les problèmes de gestion des caisses.
On n’a pas encore évoqué ce matin l’incidence, sur les
recettes, du travail dissimulé – qu’on ne parvient pas à juguler.
S’agissant des retraites, la possibilité de valider
des trimestres sur témoignage, qui a été plus rigoureusement encadrée, reste
cependant précieuse, notamment pour les aides familiaux agricoles.
En ce qui concerne la branche Famille, la vérification
de la réalité de la situation de parent isolé est effectivement complexe.
Concernant l’aide personnalisée au logement, il n’est pas toujours facile de
savoir si la déclaration des revenus a été établie avec la volonté de frauder
ou en omettant involontairement certains éléments.
Pour la branche Maladie, je ne reviens pas sur le
problème de la carte Vitale. Un obstétricien m’a parlé d’une femme qui aurait
accouché trois fois dans l’année, ce qui est effectivement un peu
beaucoup ! Concernant les indemnités journalières, les arrêts de travail
abusifs, le mauvais usage des ordonnanciers bizone, le codage des actes, les
actes indus ou l’auto-prescription d’actes techniques, on voit bien que des
économies sont possibles. Mais comment déterminer si ces pratiques relèvent de
la fraude, de la complaisance, de la facilité, voire de l’application du
principe de précaution ? Quel est le rôle de la caisse en matière de
contrôle médical ? Quelles sont les sanctions ? La définition de
bonnes pratiques, avec un contrôle médical, ne suffirait-elle pas à résoudre
ces problèmes ?
Enfin, dans quelle proportion pensez-vous que la
fraude puisse être réduite ? Si l’on passe de 1 % à 0,50 %, les
problèmes financiers de notre protection sociale ne seront pas résolus,
monsieur le rapporteur.
M. le rapporteur. Il ne s’agit pas de résoudre le
problème du déficit des comptes sociaux, mais de mettre fin au sentiment très
fort d’injustice que ressentent nos concitoyens devant les dérapages. Notre
objectif est d’établir des guides de bonnes pratiques, afin de réintroduire de
la logique, du bon sens et de l’efficience dans un système qui semble
aujourd’hui ne plus avoir de pilote.
Mme Rolande Ruellan. Les caisses ont
d’ores et déjà l’obligation d’établir des plans de lutte contre la fraude. Il
reste évidemment à les appliquer. Je ne pense pas qu’on puisse dire qu’il n’y a
pas de pilote ; la prise de conscience est réelle au niveau national et
doit maintenant irriguer l’ensemble du réseau. Et il faut que chaque agent soit
vigilant ; même si de nombreuses procédures sont désormais informatisées,
l’intuition et l’expérience gardent toute leur importance dans le traitement
des dossiers les plus compliqués.
La vérification de la condition
d’isolement a toujours posé de gros problèmes aux caisses. Nous faisons état
dans notre rapport des différents moyens de la contrôler ; ce peut être
l’envoi sur place d’agents assermentés, ou encore le recoupement des
informations des caisses avec celles d’autres administrations. Les comités
locaux de lutte contre la fraude permettent cette mise en commun d’informations,
en même temps que la réalisation d’actions communes. Des groupes de travail
essaient, sur des sujets particuliers, de trouver les meilleures solutions pour
éviter la fraude.
Il faudrait aussi que les caisses
utilisent mieux les données dont elles disposent et soient plus actives face à
certaines anomalies statistiques. Notre rapport cite par exemple l’étonnante
longévité des ressortissants algériens bénéficiant d’une retraite française en
Algérie : le nombre de pensionnés centenaires, selon les chiffres de la
direction de la sécurité sociale, serait supérieur au nombre de centenaires
recensés par le système statistique algérien… Certes il est difficile d’aller
contrôler dans le monde entier s’il y a « fraude à l’existence » des
pensionnés auxquels est servie une retraite française, mais il est néanmoins
possible d’agir.
En ce qui concerne les différentes
pratiques évoquées par M. Jean-Luc Préel au sujet de l’Assurance maladie,
nous avons observé de la part de la Caisse nationale d’assurance maladie une
très grande mansuétude à l’égard des professionnels de santé, alors que les
textes prévoient qu’en cas de non-respect des règles de tarification ou de
facturation, le professionnel ou l’établissement peut être contraint au
remboursement de l’indu dont il est responsable. Cette indulgence vise
peut-être à préserver de bonnes relations conventionnelles entre les caisses et
les syndicats de médecins. Les tableaux figurant dans notre rapport montrent
pourtant qu’il est beaucoup plus rentable de poursuivre les fraudes et abus des
professionnels de santé que de s’attaquer à ceux des assurés. Les difficultés
tiennent souvent aux problèmes de frontières ; je pense au cas de ce
médecin de Seine-Saint-Denis, le docteur Poupardin, qui a récemment fait parler
de lui dans la presse en revendiquant ouvertement son choix de ne pas respecter
l’ordonnancier bizone, afin que ses patients modestes puissent bénéficier d’une
prise en charge à 100 %.
M. Laurent Rabaté. La grande difficulté en matière de
fraude est de passer d’une définition théorique à une définition
opérationnelle. La branche Famille a décidé de prendre en compte l’élément de
récidive, qu’elle considère comme une présomption de fraude : l’oubli de
communiquer une information est considéré comme une erreur la première fois,
mais la transmission répétée d’informations erronées est présumée être une
fraude. À l’inverse, sur l’ordonnancier bizone comme sur d’autres sujets,
l’Assurance maladie s’est contentée d’adresser des mises en garde aux
praticiens, sans passer à l’étape suivante de la caractérisation de la fraude
et de sa sanction.
M. le coprésident Jean Mallot. Il nous reste à vous remercier de
cet échange, en formant le vœu que la collaboration entre la Cour des comptes
et la MECSS continue d’être exemplaire.
M. le coprésident Pierre Morange. À ce sujet, nous serions
reconnaissants à la Cour de nous fournir, à partir du constat qu’elle a établi,
une liste précise des mesures d’ordre législatif ou réglementaire qui
pourraient être prises pour progresser dans la lutte contre la fraude.
La séance est levée à dix heures quarante